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124                  VINGT-SEPT ANNÉES

et, nos tirailleurs étant atteints par la cavalerie et sabrés,
il n'y avait qu'à prendre la fuite, ce qui entraînait la perte
totale de l'armée, ou mourir en nous défendant jusqu'à la
mort. C'est le dernier parti que nous prîmes.
    « Le commandant arrêta le bataillon, cerné à quarante
pas de distance par dix ou douze mille Arabes ; il fit formel-
le carré, apprêter les armes aux cris de « Vive le Roi! »,
plusieurs fois répétés avec un enthousiasme impossible à
décrire ; l'ennemi fut déconcerté par cette attitude fièrè et
imposante. »

  Changarnier complète ce récit : « Les armes inclinées
annonçaient que nos hommes allaient tirer, et je ne doute
pas que mon pauvre petit carré n'eût été bientôt enfoncé,
quand je m'écriai : « Soldats, à mon commandement!...
Vive le Roi! » Ce cri fut unanimement et vigoureusement
répété; les armes se redressèrent; je vis clair dans mon
échiquier et je sentis que j'étais maître de mes hommes.
C'est alors que je leur dis : « Ils ne sont que six mille, et
vous êtes deux cent cinquante ; vous voyez donc bien que
vous n'avez rien à craindre ! Vive le Roi ! » A ce cri poussé
par moi, je dois à la vérité de dire que tout le carré
répondit cette fois par le cri de : « Vive notre comman-
dant ! » Tout le monde était électrisé.
   « Profitant d'un moment d'incertitude chez les Arabes,
continue Forey, nous ouvrîmes un feu de deux rangs bien
dirigé, qui acheva de persuader à cette multitude que nous
ne serions pas une proie aussi facile à saisir qu'ils parais-
saient le croire ; le cercle s'étendit peu à peu ; nos tirailleurs
reformèrent leurs lignes, et le bataillon continua sa marche
aux applaudissements de toute l'armée, qui, ainsi que le
Maréchal et le Prince, nous ont honorés du titre de sauveurs
de l'armée.