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72                 LE CURÉ DE DORNHEIM

   Située sur le versant nord de la chaîne du Thùringerwald,
à peu de distance de la petite ville d'Arnstadt, la paroisse
de Dornheim-dépendait du comté de Schwartzbourg, et ce
pays avait alors pour souverain le comte Gunther. C'était
un prince pacifique, chose rare en ce temps; il ne semble
pas avoir jamais fait la guerre : il en souffrit seulement,
et le curé de Dornheim n'a pour lui que des éloges. Il nous
le représente gouvernant paternellement ses sujets, les
épargnant le plus possible, mais souvent obligé de les
charger de lourds impôts pour satisfaire des ennemis
impitoyables, faisant tous ses efforts pour les défendre
contre les rigueurs de la guerre, mais presque toujours
sans succès à cause de sa faiblesse, les secourant néanmoins,
mais bien imparfaitement par suite de sa propre indigence.
   L'extrême misère inspire souvent l'insouciance. On
cherche à s'étourdir afin d'oublier les malheurs de la veille
et de ne pas souffrir d'avance de ceux du lendemain. Dès
que l'ennemi s'éloignait du comté de Schwartzbourg, on
ne, songeait pas qu'il allait revenir ; on se réjouissait, on ne
pensait qu'à s'amuser. Un tambour parcourait alors les
villages, invitant tout le monde à la kermesse, à la danse
et autres divertissements ; et quand le comte, moins impré-
voyant que ses sujets, envoyait, dit Thomas Schmidt, un
trompette pour saisir le tambour et s'opposer à la fête,
les paysans prenaient la défense du tambour et chassaient
le trompette. Cette rébellion n'avait pas, d'ailleurs, de bien
fâcheuses suites pour ceux qui s'en rendaient coupables,
car le seigneur se bornait à en rire, et le curé écrivait dans
son journal : c Laissons au paysan sa kermesse. »
                e
   Le comte intervenait dans tout le détail de la vie de ses
sujets, et notre curé n'est pas sans admirer tant de sollici-
tude. Il obligeait par exemple les paysans, sous peine