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82 UN VIEUX DE TRENTE ANS Engagé pour la durée de la guerre, notre ancien soldat demanda et obtint assez facilement, paraît-il, d'être incor- poré dans l'un des régiments de mobiles qui partaient pour Belfort et il nous avait rejoints, le soir même de notre départ du camp de Sathonay, à la gare de Vaise. D'abord réservé avec nous, notre vieux camarade s'était bien vite habitué à notre jeunesse tapageuse. Rompu au service militaire et à toutes ses multiples exigences, il était d'une grande utilité à ses jeunes et inexpérimentés frères d'armes; prévenant, plein d'entrain et de gaîté, toujours prêt à rendre service à ses camarades, c'était bien le meilleur compagnon que l'on pût trouver; débrouillard accompli, il en résultait que c'était toujours les mobiles de son escouade qui étaient les mieux casés, avaient leurs armes les plus en état et leurs effets relativement les meilleurs, rien ne manquait à leur ordinaire. Envoyé en corvée de vivres, c'est Muller qui rapportait les plus jolis morceaux de la boucherie et la plus grosse part de légumes. Quand on campait, la tente de ses compagnons et celles de ses voisins étaient établies d'une manière parfaite, la couche de paille, sous sa tente, était bien toujours d'une épaisseur double de celles des autres; il était enfin d'une utilité de tous les instants et d'une complaisance inépuisa- ble pour ses enfants, ainsi qu'il nous appelait. 11 en aurait fallu de ces anciens militaires comme lui, au moins une dizaine par compagnie, dans nos bataillons; combien ils auraient été utiles à ces jeunes conscrits ! que de déboires, que d'ennuis, que de défaites mêmes ils auraient évité à ces mobiles, soldats plein de vie, de force et de bonne volonté, mais sans aucune notion militaire, ne connaissant rien du métier de la guerre, n'ayant personne pour les conseiller, les guider, les former, même dans les