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212 VINGT-SEPT ANNEES « Je crois, écrit le lieutenant Pierre de Castellane, que ces visites-là mettent le diable au corps chez les hommes ; mais il y a aussi une bien grande imprudence... Vous ne pouvez vous imaginer la vigueur, la beauté et l'étonnante énergie des soldats ; c'est une admirable armée. » Mais voici qu'éclate la nouvelle de la retraite du général Canrobert. « La grande question du jour, écrit le général Cler, est la démission du général en chef Canrobert, qui vient de reprendre le commandement de son ancienne division. L'histoire ancienne et celle du Moyen Age nous montrent Sylla et Charles-Quint abdiquant le pouvoir absolu ; mais l'histoire moderne n'a point encore enregistré le nom d'un général en chef qui, après huit mois de com- mandement, consent à servir sous les ordres des généraux qu'il commandait. Pendant son difficile commandement, le général Canrobert a su gagner l'estime des officiers et la sincère affection des soldats. » Le lieutenant Pierre de Castellane, officier d'ordonnance du général Bosquet, raconte les difficultés qui s'étaient élevées, après le rappel de l'expédition de Kerch, entre lord Raglan et Canrobert, qui voulait séparer de la garnison de Sébastopol l'armée russe de secours. Comme il fallait à tout prix agir, Canrobert « résolut de simplifier toute la question par une action vraiment sublime, et une dépêche télégra- phique fut envoyée par lui, en termes tels, que Ton dut consentir à sa demande et lui permettre de remettre volontairement le commandement aux mains du général Pélissier. Cet acte s'accomplit de sa part avec une simplicité, une grandeur, une dignité qui ont pénétré l'année d'une respectueuse émotion, et l'affection de tous les soldats s'est