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                    LE CURÉ DE DORNHEIM                       75

    Les fidèles, il est vrai, ne soutenaient guère leurs pas-
 teurs. Le curé se plaint plusieurs fois de leur ingratitude.
 Sur mille paysans, nous dit-il, c'est à peine, si un seul se
 montre reconnaissant. Lorsque fut annoncée la paix de
 Prague, qui détachait l'électeur de Saxe de l'alliance
suédoise pour le ramener à l'empereur, les fidèles de
Dornheim se réunirent près de la fontaine du village et se
 rendirent à l'église en chîhtant le psaume : « Mon âme,
loue maintenant le seigneur. » Le curé leur fit ensuite un
beau sermon ; mais, tandis que les prédicateurs de la ville,
qui avaient annoncé en chaire la paix de Prague, avaient
reçu chacun une riche provision de vin de Franconie, le
pauvre curé ne reçut rien. Il était pourtant zélé luthérien,
et comme tel, détestait les cérémonies catholiques. Il nous
raconte, en effet, avec indignation, qu'il fut contraint, pendant
le séjour des troupes de Wallenstein, de voir enterrer un
soldat dans son église avec toutes les horreurs de la messe.
Il ajoute que le tonnerre tomba sur le clocher. Peut-être,
vit-il, dans cet accident, une preuve de la colère du ciel.
   Thomas Schmidt ne s'occupait pas seulement de ses
paroissiens : il exerçait encore les fonctions de son minis-
tère envers les soldats de sa religion. Il les mariait, bapti-
sait les enfants qui naissaient dans les camps ou sur les
chariots de bagages, et sa fille Barbara leur servait souvent
de marraine. Cependant les soldats, enrichis par le pillage,
n'étaient pas plus reconnaissants que les malheureux
paysans qu'ils avaient dépouillés, et le curé dut parfois se
contenter, pour tout salaire, d'une poignée de poires sau-
vages. Il n'était pas, d'ailleurs, mieux traité par les soldats
protestants que par les soldats catholiques. Les Turcs eux-
mêmes, nous dit-il, tiennent en grand honneur le patriar-
che des Grecs, mais les luthériens molestent leurs pasteurs.