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FEDOR ET LOUISE. 395 Madame Ermel rentra vers midi; elle montra à Louise un plat rempli de boulettes, une jatte d'eau, une lampe et lui dit de descendre dans le cellier et de l'y attendre. Louise descendit et s'assit sur un banc; elle fut d'abord effrayée par un léger soupir suivi bientôt du quan-quan d'une oie. elle regarda en élevant la lampe et vit au plancher des oies suspen- dues dans des sacs qui leur enveloppaient le corps et les jambes. Louise cherchait à en deviner la raison, lorsque madame Ermel entra, prit une oie entre ses jambes, lui ouvrit le bec de force et lui fit avaler sept boulettes ; elle la laissa boire à discrétion, la replaça dans son sac et en prit une autre. — Pourquoi donc, demanda Louise, ces oies doivent-elles être suspendues ? — Afin qu'elles deviennent trop grasses ; elles ne peuvent rejeter leur pâture et quelquefois étouffent dans leur graisse. Ici, Louise pensa à son père dont les jambes étaient enflées. Est-ce bien sain de manger de ces oies ? — Comment donc! je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un ait été malade pour avoir mangé de l'oie. — Mais, dit Louise, est-ce bien de tourmenter ainsi ces pauvres bêtes comme des prisonniers, qui, cependant peuvent faire quel- ques pas, et comme mon père s'occupent à lire ? — Une oie et ton père, c'est bien différent, dit madame Ermel en riant. Une oie est si bête qu'elle ne peut vous faire pitié ; elle est contente si elle mange et boit. D'ailleurs qu'elle est la cause de ce tourment ? Ce sont ceux qui les achètent -, ils ne trouvent jamais les oies assez grasses ni les foies assez gros. En sortant du cellier, Louise caressait une oie en disant : — Pauvre bête, tu m'apprends à supporter mon sort avec patience. CHAPITRE IX. NE TOURMENTE PAS LES ANIMAUX POUR TON PLAISIR. Par une belle soirée d'été, Barenbeck appuyé sur le bras de sa lille se promenait dans une allée de tilleuls qui traverse la ville.