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60 RAPPORT SUR L'HISTOIRE nerai d'abord à un éloge général, et que ne démentiront pas ceux qui ont déjà lu ou ceux qui liront le savant ouvrage de M. Bouil- lier, c'est que , nulle part, on ne trouvera une exposition aussi nette , aussi claire , aussi complète, des grandes idées qui ont été le point de départ de toute la philosophie française depuis deux siècles. Dans cette exposition, en effet, M. Bouillier ne se borne pas , comme on l'a fait trop souvent, à analyser tel ou tel des ouvrages de Descartes; c'est un procédé commode, mais sujet à une multitude d'erreurs. Car, quoique Descartes ait jeté dans le Discours de la méthode les bases fondamentales de sa philosophie , il ne s'y est pas révélé tout entier, et il n'y a pas dit son dernier mot. Quoi que puisse dire La Fontaine, Descartes n'était pas un Dieu, il n'avait pas la moindre prétention à parler au nom de lumières surnaturelles et révélées. C'était un homme d'un génie supérieur sans aucun doute , mais de l'esprit duquel la science et la doctrine ne sortirent pas d'un seul jet ,• le travail, chez lui, comme chez tous les hommes, l'expérience, les médi- tations et les découvertes, tout fut successif. Pour connaître Descartes, tel qu'il fut , et non tel qu'on voudrait le représenter en vertu d'un système préconçu, soit d'admiration fanatique , soit de dénigration , il ne faut donc pas agir à son égard autre- ment que nous ne faisons à l'égard de Raphaël ou de Bossuet, il ne faut pas considérer telle ou telle partie de son œuvre , il faut envisager et étudier son œuvre tout entière. C'est ce qu'a fait M. Bouillier tout à la fois avec une érudition et une patience d'investigation qu'on ne saurait assez louer, et avec une aflec- tueuse sympathie qu'il ne cherche pas à dissimuler un seul ins- tant et qui perce, du reste , à chaque page, à chaque ligne pour ainsi dire. Toutefois, M. Bouillier a trop le sentiment des devoirs de l'historien et de l'indépendance d'esprit nécessaire au philo- sophe pour analyser sans apprécier, et, pour lors, sans faire ses réserves. 11 montre , à plus d'une reprise , chemin faisant, les excès et les exagérations de Descartes , les fautes dans lesquelles est tombé ce grand esprit, les dangereuses conséquences que l'on a tirées de quelques-uns des principes qu'il avait posés (voir surtout t. I, p. 129 , p. 138 et suiv. , le curieux chapitre sur