Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
70                   RAPPORT SUR L'HISTOIRE
Newton. Gela tient à plusieurs causes que M. Bouiiliev , comme
je l'indiquais tout à l'heure, a parfaitement mises en lumière
dans ces chapitres, qui sont une des parties les plus intéressantes
et les plus curieuses de son livre ; d'abord, à l'esprit général de
réaction du XVIIIe siècle contre le XVIIe ; en second lieu,
 à la tendance contradictoire des deux siècles, l'un à tout absorber
 en Dieu, l'autre à éliminer partout l'idée et l'action de Dieu.
 Enfin, il y a une dernière cause non moins active. La philosophie
 cartésienne comprenait deux parties distinctes : la métaphysique
 et la physique ; or, celle-ci conçue à priori, était â jamais détruite
 par les progrès qu'avaient faits les sciences positives, et par
 l'étude patiente et scientifique des phénomènes de la nature et
 de leurs lois. Les philosophes cartésiens auraient dû faire la
 distinction, passer condamnation sur la physique et l'astronomie
 arriérées et erronées du maître, pour être, par cela même, plus
 forts sur le terrain des idées. C'est ce que leur enthousiasme
 aveugle ne leur permit pas ; en voulant tout sauvegarder dans
 les doctrines du maître, ils aboutirent à tout compromettre.
 Pour sauver les doctrines qui leur étaient chères, toutes les armes
 leur furent bonnes, même la persécution. Eux qui, au XVIIe
  siècle, avaient été persécutés par la philosophie officielle, persé-
  cutèrent à leur tour, au XVIIIe siècle, au nom de l'autorité. C'est
  ainsi que le chancelier Daguesseau refusa d'accorder à Voltaire
  le privilège nécessaire pour imprimer son ouvrage intitulé •.
  Eléments de la physique de Newton, et dans lequel Voltaire,
  comme il le dit lui-même, traitait la philosophie de Descartes
  comme Descartes avait traité celle d'Âristote. Elevé dans le car-
  tésianisme, Daguesseau, dit encore Voltaire, ne concevait pas
  qu'on pût adopter les découvertes de l'Angleterre sans être
   ennemi de la patrie et de la raison. C'est ainsi surtout que, en
   1751, lors de la célèbre thèse soutenue en Sorbonne, par l'abbé
   de Prades, il n'y eut pas assez de sentences contre le malheureux
   qui osait en pleine Sorbonne attaquer les idées innées et les
   autres principes fondamentaux de /a philosophie cartésienne,
   que la Sorbonne avait elle-même persécutés et condamnés un
   siècle auparavant. Il n'y a là, dans ce revirement si complet et