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SUR GRIMOD DE LA REYNIÈRE. 307 impossible de le lui reprocher. Elle étoit charmante dans la Polly de WEcossoise, dans les soubrettes de qui avoienl été faites pour elle, et dans les rôles tels que la comtesse des Dehors trompeurs, emploi qui appartient à Paris aux soubrettes; mais elîe étoit déplacée dans les servantes, et quoiqu'elle ait joué une fois avec beaucoup d'esprit et même de succès la Martine des Femmes savantes, elle se rendoit assez de justice pour éviter tatit qu'elle pouvoit ces sortes de rôles, qui ne s'accordoient pas plus avec sa tournure et son physique qu'avec la nature de son talent. Vous n'avez pas, je crois, connu Mlle Luzy, qui s'est retirée en 1781, et sur laquelle j'ai fait un article assez étendu dans le Journal de Weufchâtel. C'éloil un sujet vraiment précieux par l'assem- blage de mille qualités qui se trouvent rarement ensemble: elle réunissoit beaucoup de noblesse à beaucoup de gaîtô, du mordant, de la finesse Si elle eût voulu se reposer moins sur les bontés du public et sur sa charmante et travailler davantage, elle auroit fait époque dans les annales du Théâtre François, où l'on peut dire que, malgré sa paresse, elle lenoil encore un rang très-distingué. Elle a fait les délices du public pendant près de 20 ans qu'elle a joué sur ce théâtre ; elle ne sera peut-être jamais remplacée dans certains rôles, comme les soubrettes de Dancourl. Lorsque je dis dans mon dernier ouvrage que j'avois été élevé sur les genoux de la Comédie Françoise, j'avois en vue l'amitié dont Mlle Luzy honora mon premier âge, jusqu'à celui de 12 ou 13 ans; je peux dire que j'êtois son petit protégé, et que ses genoux m'ont en effet bien souvent servis de siège. Jugez, avec le goût que j'avais pour la comédie, combien les caresses de l'une des plus jolies et des meilleures actrices de la Comédie françoise, flattoient mon amour-propre et ma sensibilité naissante. Lorsque l'âge eut mis un terme à ces innocentes familiarités, M,le Luzy avoil conservé pour moi beaucoup d'amitié. Je me sois per-