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                  DE GRIMOD DE LA REYN1ÈRE.                   297
 peu rude et la société un peu agreste ; mais qui ne le seroit
 pas dans un temps où , en faveur de la paix, il faut passer
 par dessus toute espèce d'inconvénients. Cette dpreté du cli-
 mat doit être moins sensible pendant l'été -, et toutes les
 sociétés de province se réduisent à vivre du jeu, de la médi-
sance et de l'ennui, de la médisance, de l'ennui et du jeu, de
 l'ennui, du jeu et de la médisance. Voilà ce qu'on, y trouve
 depuis Dnnkerque jusqu'à Perpignan , ei depuis Brest jus-
qu'à Ponlarlier. Lorsqu'on est forcé d'y vivre, il faut savoir
s'accommoder de ces mœurs, ou plutôt, pouvoir s'isoler, se
faire une occupation qui vous rende indépendant des autres.
Par ce moyen, on échappe fi l'ennui dans toutes les occasions
où il n'est pas un devoir, car encore, faut-il s'ennuyer quel-
quefois, pour ne pas rompre toute espèce de liens avec la
société. Par ce système, on peut couler tout doucement sa
vie dans une ilouce et agréable végétation ; car le vers du
méchant, qui ne paroît qu'une plaisanterie, est d'une vérité
très-philosophique, quand on veut éplucher sérieusement et
sans partialité la vie.de province. Art reste, avec une plume
et des livres, il est impossible qu'un homme qui sait s'occu-
per, soit essentiellement malheureux. Les autres ne connais-
sent jamais le vuidedu temps, parce qu'ils en ignorent l'emploi.
Et lorsque Molière faii dire à                : « Jamais je ne
m'ennuie, » il lui met dans la bouche une vérité bien pro-
fonde. Les sots ne s'ennuient jamais, mais ils ennuient les
autres. On peut dire aussi qu'ils ne s'amusent guères , el
que celle gaité vive et agréable, qui est le rire de l'esprit, ne
peut jamais les atteindre. Ceci me paroît une honnête con-
versation.
   Ma tante, qui trouve toujours que vous avez raison el qui
n'est pas encore bien convaincue de l'extrême importance des
règlements de M. Aze, pense, en effet, que j'aurois pu sans
inconvenance écrire à MUe Justine malgré son silence ; lors-