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394                     FEDOR ET LOUISE.
ans, mais contrefaite, réclamait aussi ses soins. Telle était l'oc-
cupation de Louise, car les deux enfants les plus âgés passaient
à l'école une partie de la journée.
    Lorsque le nourrisson était endormi, Louise arrangeait le mé-
nage, puis choisissait des plumes d'oie pour en faire des oreillers.
   — Ne souffle pas, disait alors Lena à son jeune frère qui s'amu-
sait à faire voler le duvet.
    — Asseyons-le à terre, dit Louise, car il est très-gêné sur cette
chaise.
    — Ma mère ne le veut pas, dit Lena; elle prétend que les enfants
ne doivent pas être à terre, où ils rampent et peuvent se faire mal.
    — J'y prendrai garde, dit Louise. Elle le plaça sur le parquet et
l'ajusta de manière à ce qu'il pût remuer ses membres.
    — Tu es bien bonne, Louise, dit Lena; oh ! si tu avais toujours
été auprès de nous !
   — Et qui vous soignait donc ?
   — Personne. En sortant, ma mère nous enfermait et je soignais
ma sœur; quand nous crions trop fort une voisine allait chercher
ma mère.
   — Et quand tu étais petite qui te soignait ?
   — Mon grand frère Christian. Il m'a bercée une fois si fort que
j'ai culbuté et me suis démis l'épaule.
   Louise mordit une tartine de beurre que madame Ermel lui
avait donnée pour son déjeuné. — Qu'est-ce ça? s'écria-t-elle,
c'est comme du feu. Elle regarda le pain, et le beurre était rempli
de poivre; elle cracha et alla boire un verre d'eau.
   — Lena dit en riant : tu ressembles aux oies lorsque ma mère
leur a fait avaler du poivre.
   — Du poivre, aux oies ? et pourquoi faire?
   — Afin qu'elles ayent soif et boivent beaucoup, c'est par ce
moyen qu'elles ont des foies gros et gras, que ma mère vend très-
cher.
    — Les pauvres oies, dit Louise, ce n'est pas assez qu'on leur
arrache les plumes, on les tourmente encore avec du poivre.
   — Les oies grasses ne peuvent plus respirer et toussent beau-
coup, mais on les tue bientôt.