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                       LE COMTE DE CHALON.                          49
 i)ieu exauce ma prière, jamais poète ne naîtra dans tes murs. »
    Et il marchait, sa toque fourrée enfoncée sur ses oreilles, ses
 mains dans son pourpoin1, sa harpe sur son dos, et ayant de-
 vant lui une grande plaine en perspective.
    Enfin, il aperçut dans le lointain quelques maisons ; à sa
 droite, au sommet d'une colline , s'élevait un puissant manoir.
    — C'est le château des sires de Gorrevod, se dit-il en s'arrê-
 tant; irai-je y demander l'hospitalité? Les sires de Gorrevod
 sont généreux, et jamais leurs varlets n'ont renvoyé un ménes-
trel... N'importe, j'aime mieux coucher dans une chaumière. Là
je trouverai plus de bienveillance et de gaîté; les châteaux ne
 sont pas les seuls à posséder le bien-être et le bonheur.
    Cependant, arrivé sur les bords de la Reyssouze, son oreille fut
agréablement flattée par le bruit d'un moulin ; une fumée épaisse
qui s'élevait de la cheminée et qui se balançait dans les brou illards,
semblait lui présager que là on devait goûter toutes les délices
de la vie ; mais pour arriver à ce but, un pont était à traverser.
A l'entrée du pont, devant une maison - forte- flanquée de
tourelles, était un poteau portant un écusson d'azur au
chevron d'or. Au pied du poteau , un grand chien attaché à
une chaîne aboya. Un homme parut sur le seuil de la maû-on ;
malgré l'envie que le voyageur avait de passer outre, il fallut
parlementer.
    — Voyons, beau sire ménestrel, dit le gardien du pont, veux •
tu enrichir le trésor des sires de Gorrevod de quelque pièce de
monnaie, ou charmer les oreilles du gardien du pont par une
ballade? Décide-toi, car j'ai grand'hâte de rentrer.
    — 11 fait bien froid pour chanter, dit le ménestrel.
    — Eh bien ! paie.
    — Je n'ai pas une obole dans mon escarcelle, répondit le
voyageur.
    — Alors reste de ce côté-ci de la Reyssouze. 11 ne valait pas la
peine de me faire prendre froid pour m'annoncer que tu ne vou-
lais pas traverser.
    —Si je ne puis passer de l'autre côté de la rivière pour obtenir
 un toit et un abri, c'est à vous que je serai obligé de les de-
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