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DES ORIGINES DU DEVOIR. 215 Les préceptes évangéliques qui sont survenus les derniers ne sont pas davantage une loi complète, embrassant tous les actes humains avec leur détail. Ils ont eu double objet : d'a- bord de rétablir la base de l'ordre moral qui s'était perdue dans la corruption payenne, et ensuite d'élever cet ordre, par la loi toute nouvelle de la charité, à une- perfection que le monde n'avait pas encore connue. Ainsi l'Evangile n'agit que comme un principe, el ici nous pouvons voir comment l'or- dre surnaturel el révélé, dont le domaine propre et exclusif est le dogme, influe cependant sur l'ordre moral dont le do- maine est la raison. Si l'on fait abstraction des lumières qui résultent de la ré- vélation chrétienne, l'unité de la famille humaine devient une opinion encore aujourd'hui conlroversable, même devant les progrès récents de la science; car nous ne voyons qu'obscu- rément dans les individus ces caractères vagues el généraux qui constituent l'espèce. Y a-t-il une seule humanité ou plu- sieurs races qui n'ont de commun entre elles qu'un seul créateur? s'il y a plusieurs espèces, sont-elles égales en fa- cultés ou bien constituées dans un ordre hiérarchique? sont- elles tenues entre elles de certains devoirs ou bien n'ont- elles de relations réglées que par la différence de leurs or- ganismes, en sorte que la plus forte ait la mission naturelle de dominer la plus faible? Toutes ces questions s'enchaînent et de leur solution résulte le règne du droit ou celui de la force; la soumission absolue et passive, ou la réciprocité morale des devoirs. Le monde ancien avait perdu cette lu- mière principe et voila pourquoi il était devenu celui de la violence, de l'esclavage, de la domination sans frein, allant sans cesse en s'empirant, au rebours de la loi de développe- ment qui est de l'essence des êtres. Mais lorsque le Sauveur du monde est venu, il a remis l'humanité dans sa voie et dans sa condition de vie et de