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sans déceler le labeur, avec la charmante bonhomie de la nature. Nous no
voyons pas pourquoi nous garderions le silence sur le nom de l'auteur.
Nous ne sommes point engagé au secret, et ce qu'une indiscrétion nous a
appris, une indiscrétion le révélera. L'anonyme s'appelle M. Ranvicr. Nous
lui souhaitons sincèrement de persévérer dans celte voie-là.
   L'exposition se compose , pour les trois quarts , de paysages. C'est cer-
tainement la branche de l'art la mieux comprise de notre temps. C'est aussi
celle où l'on peut constater en faveur de notre époque une supériorité re-
lative dans les résultats.
   Ici encore M. Lamothe est représenté par un beau tableau, d'un grand
style et d'une large touche. Le paysage s'y élève aux hauteurs de la grande
peinture. La gamme des tons est un peu grise, mais qu'importe, puisqu'elle
est harmonieuse et que rien n'y blesse l'œil du spectateur ? Tout le monde
n'est pas oblige de vivre sur ces reflets micacés, cette pâte craquante et
pailletée qui ont le bonheur des réalistes. Les premiers plans semblent ap-
peler quelques vigueurs, et les arbres un peu plus de légèreté.
   M. Paul Flandrin n'est pas aussi heureux cette année qu'à son habitude.
Ses paysages ont moins ce qu'on est convenu d'appeler le caractère histo-
rique et leur aspect a pris quelque chose d'aigre et de pénible. Nous
aimions mieux la tonalité sourde et terne dans laquelle il se renfermait au-
trefois, comme dans son tableau de la Campagne de Rome, d'une poésie si
austère, d'un mode si magistral que le paysage y prend l'ampleur de l'art
monumental. Le tableau portant le n° 157 est le mieux réussi de ceux ex-
posés cette année par M. Flandrin. La composition est riche, elle a ce ba-
lancement, cet équilibre, qui ramènent le paysage jusqu'à certaines condi-
tions de l'architecture et de son unité. Les ombres sont toujours admirablement
entendues, les détails sagement sacrifiés aux dispositions générales. Ce n'est
que l'écoree de la nature qui manque, mais cette écorce, c'est la vie même,
c'est le sang qu'on sent affluer sous le tissu de la peau. Sans cette espèce
de chaleur vitale tout devient glacé et incrie. Ces défauts sont plus sail-
lants dans les Environs de Montmorency, exposés sous le n° 160, dans le
 Verger, et mémo dans les Sablonniers où, sauf la différence des tons, tout
semble modelé dans de la terre glaise. Aussi tous ces ouvrages gagneraient
considérablement à être reproduits par la gravure.
   M. Desgoffes appartient aussi à l'école historique. Lui aussi a l'amour
des sites virgiliens, des contrées paisibles et sereines que l'antiquité avait
peuplées de nymphes divines. Les ombres épaisses des forêts, les vallées fleu-
ries ou les bosquets consacrés aux divinités champêtres lui ont découvert
tous leurs secrets. Lui aussi, il possède la science de la composition, la
précision du dessin, mais bien plus que M. Flandrin il tombe dans la