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                           EXPOSITION DE 1 8 5 4 - 5 5 .                   171
 dureté. Ses tons ne sont ni justes ni harmonieux. C'est en vain que leur
 ciel est bleu , il fait toujours froid dans ses paysages. Le Joueur de flûte,
malgré l'originalité de la disposition, fatigue le regard par la sécheresse des
 contours qu'on dirait découpés à l'emporte-pièce, et on se sent manquer
 d'air en regardant la Prairie. (1 entre beaucoup trop de système dans cette
manière de comprendre et d'interpréter la nature.
    M. Servan, après avoir tenté quelques excursions sur le domaine des
coloristes est sagement revenu à ses premiers errements. Seulement il y est
revenu avec un progrès, nn savoir de plus. Nous regrettons que son tableau
de cette année n'ait pas été acquis pour le Musée de Lyon. Nous le préfé-
rons à sa Madeleine qui y est placée. Rien de gracieux, de frais comme cette
composition, rien ne respire un parfum plus pénétrant de jeunesse. C'est
plaisir de le regarder. Que si nous descendons à l'analyse des détails nons
y constaterons une rigueur extrême de dessin. Une chose seule nous paraît
prêter à la critique, ce sont les teintes violettes des rochers et leur facture
trop lissée.
    Ne passons pas sans les signaler devant une toute petite Vue du Mont-
d'Or de M. Lacuria et une Vue prise dans le Jura de M me Lacuria. Le pre-
mier tableau, quoique manquant un peu de relief, reproduit bien le charme
paisible d'un beau coucher de soleil. Le second exprime aussi, mais dans une
nuance différente, un sentiment délicat de la rêverie.
    Arrivons h l'école de la couleur.
    Voilà quelqu'un qui l'étudié , cette bonne nature, l'aima parens, et la
reproduit naïvement, tranquillement, sans fracas, en ami qui la connait
bien et a vécu do sa vie même. C'est M. Allemand. Il ne se jette pas à corps
perdu dans les tons roussis, calcinés ethaut-montés, chéris deM.Diaz, mais
combien il est plus près de la vérité vraie ! M. Diaz , qui est parisien, au
moins d'adoption , semble toujours peindre comme par dessous la jambe et
en se jouant du public. Le publie est content : nous n'avons rien ày voir. 11
savoure cette peinture violente, rugueuse et craquelée, abondante en chaleur
et en éclat et dont le principal mérite est de rivaliser avec les pétards d'arti-
fice.Dans le kiosque de cette année, les ombres sont tellement rissolées, pour
employer le langage de M. Théophile Gautier, qu'elles finissent par faire
tache. M. Allemand élève ses prétentions bien moins haut ; mais cela ne
l-'empêche pas de savoir nous transporter au milieu des champs , au bord
d'une mare où se reflète un coin du ciel, auprès d'un rocher moussu, et là,
de faire rêver des heures entières à force d'illusion , à force de simplicité.
La nature n'est pas pour lui le ciel, la terre et la mer immenses, c'est l'horizon
le plus rétréci; il lui suffit de soulever un coin du voile qui couvre le monde
extérieur aux regards profanes, pour en faire comprendre le sens intime.