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130 DES LETTRES recherches scientifiques, une préparation intellectuelle ; elle demande surtout, pour être féconde et pratique, un cœur ouvert a la vérité par l'habitude et le désir du bien. Malebranche a dit : « Si les hommes avaient quelque in - térêt à ce que la fausse géométrie fût aussi commode pour leurs inclinations perverses que la fausse morale, ils pour- raient bien faire des paralogismes aussi absurdes en géo- métrie qu'en matière de morale, parce que leurs erreurs seraient agréables, et que la vérité ne ferait que les embar- rasser, que les étourdir et que les fâcher. » Pensées sem- blables a celles que M. de Fontanes a si bien exprimées dans ces beaux vers : « Alors de toutes parts un Dieu se fait entendre ; 11 se cache au savant, se révèle au cœur tendre ; II doit moins se prouver qu'il ne doit se sentir. » Quelques esprits sévères, convaincus que toute vérité doit se démontrer par le raisonnement ou par l'observa tion, que l'intelligence est seul juge en ces matières, au- ront peine à admettre qu'en dehors des méthodes scienti- fiques il y a dans le cœur des sources de vérité qui ne peuvent avoir aucune autre origine. Je n'entrerai pas sur cette question dans des développements étendus ; il suffira de citer un exemple. Essayez de faire pénétrer l'idée de la prière chez un homme qui voit dans l'exercice de l'intelligence la seule base de la vérité, qui n'a foi qu'au calcul, au raisonnement et aux faits ; cherchez a le persuader par la considération de la bonté de Dieu, par l'autorité des plus grands pen- seurs, par les exemples de succès les plus concluants à vos yeux, vous essayerez en vain d'ébranler sa conviction ; il opposera a tous vos arguments des arguments contraires, et il restera inébranlable dans son scepticisme. Mais qu'à cette lutte de froids raisonnements succède une émotion