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58                  RAPPORT SUR L'HISTOIRE
 vivacité et son impétuosité si soudaines pour tout ce qui lui
 semble nouveau entre peut-être avec une ardeur trop exclusive
 dans cette carrière presque infinie qui s'ouvre devant lui ; mais
son bon sens l'arrêtera à temps , et il ne tardera pas à compren-
 dre que l'application n'est pas tout, et même que l'application ne
peut être quelque chose et porter des fruits réels qu'autant
 qu'elle est inspirée , réglée, modérée par la théorie.
   Ce sera, nous en sommes convaincu , la philosophie qui
interviendra à son temps, à son heure, avec courage et succès,
pour modérer cette tendance , pour la régler et pour opérer la
conciliation de la spéculation, de la théorie d'une part, de l'esprit
pratique et de l'application de l'autre. C'est là la grande œuvre que
doit accomplit-, c'est là le grand service que doit rendre la philo-
sophie française. S'il en était autrement, nous verrions l'ensei-
gnement du droit dans son esprit philosophique et historique ,
remplacé par un travail matériel et mécanique dans des études
d'avoués et de notaires ; nous verrions les chaires des Poisson
et des Cauchy abandonnées pour les cabinets des arpenteurs ;
celles des Dumas et des Liebig pour les usines à gaz et les ateliers
des chemins de fer. Au milieu de cette tendance des esprits vers
les résultats pratiques et positifs , il faut que la philosophie
reprenne hautement sa puissance et son action ; il faut qu'elle
montre que, sans elle, il n'y a que des faits sans liaison , sans
signification ; qu'elle seule peut relier tous les faits épars en un
faisceau par des principes généraux qui constituent les sciences,
et que sans ces principes généraux., sans ces théories, qui cons-
tituent les sciences , il ne peut pas y avoir de résultats certains ,
ni d'applications solides. Il faut, en un mot, que la philosophie
prouve à tous qu'elle est la science des sciences, puisque ayant
pour but de connaître en lui-même et dans toutes ses manifes-
tations l'esprit humain , elle domine , par cela même, toutes les
sciences qui n'en sont que des produits et des résultats.
   Là , en ce moment, au milieu des tendances de l'esprit fran-
çais , est l'avenir; là est l'homme , et, j'ajoute , là est le devoir
de la philosophie. Mais pour cela, et avant tout, il est néces-
saire que la philosophie recouvre le prestige qu'elle a perdu et