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DE LA PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE. 59 qu'elle reprenne sur l'opinion publique l'ascendant que lui ont enlevé ses fautes ou ses excès. Pour cela , pour se réhabiliter aux yeux de tous, elle n'a pas de meilleur moyen que de rappeler son histoire et de montrer ce qu'elle a été dans le passé. Sous ce point de vue, la philosophie française n'a rien à craindre , et, depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos jours, les doctrines qui recon- naissent Descartes pour auteur et pour père, peuvent hardi- ment se montrer à découvert à leurs amis comme à leurs adversaires. C'est ce qu'a entrepris M. Bouillier dans le savant et important ouvrage que j'ai l'intention d'analyser et d'exposer sommaire- ment ici. L'ouvrage débute par un chapitre d'introduction sur l'état de la philosophie avant Descartes. Quelque neuves , quelque har- dies qu'aient été les doctrines cartésiennes , elles avaient eu , comme toutes les choses du monde , leurs précédents, et les esprits avaient été préparés à les recevoir par un long travail antérieur. C'est une loi générale de l'histoire ; les grandes révolutions , les grands changements qui s'accomplissent dans l'ordre moral et politique, aussi bien que dans l'industrie ou la littérature , sont accomplis dans les esprits au moment où ils passent dans les faits , et ils ne sont possibles qu'à cette condi- tion. Les hommes qui y attachent leur nom ont le bonheur d'arriver à temps , mais ils ont eu des précurseurs qui ont été méconnus , quand ils n'ont pas été martyrs, parce qu'ils ont eu le tort d'avoir trop tôt raison. La scholastique avait été battue en brèche par les Ramus , les Jordano-Bruno , les Vanini, et, indirectement, par Montaigne et Charron, au XVIe siècle. Mais, et ici je suis tout à fait de l'avis de M. Bouillier, le rôle du XVIe siècle avait été beaucoup plus négatif que positif ; il avait attaqué , miné les vieilles doctrines sans leur rien substituer ; sur ce terrain couvert de ruines, il fallait reconstruire et ce fut la gloire de Descartes. Je n'ai pas l'intention de suivre M. Bouillier clans l'analyse si savante et si complète qu'il fait de la philosophie de Descartes. Ce serait, on le comprend , analyser une analyse. Je me bor-