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474 PÉLOPONÈSK. linitis. Je fus douloureusement surpris de voir que les seules ruines importantes existant à Corinthe n'appartinssent point à l'ordre corinthien, cet ordre élégant et pur, dont les formes harmonieuses et pensives rappellent la mélancolique origine. On sait, en effet, que Callimaque, architecte de Corinthe, l'inventa à la vue d'une touffe d'acanthe venue sur la tombe d'une jeune fille, tombe récemment fermée, sur laquelle une malheureuse mère venait chaque jour apporter en offrandes quelques-uns des objets que sa fille avait aimés. Quand elle eut fini, elle couvrit le tout d'une tuile. Cette tuile gêna dans leur croissance des feuilles d'acanthe qui se trouvaient dessous, les força à se replier sur elles-mêmes. Callimaque, ayant remarqué leurs formes harmonieusement contournées, imagina le chapiteau corinthien. Je ne retrouvai pas non plus, dans la population qui s'agitait dans les rues de la ville, cette langueur, cette mo- lesse et cet air de volupté qui devaient la caractériser autrefois. Comme à Sparthe et à Argos, je rencontrai des physionomies sobres, mâles et guerrières. A voir ainsi dans une constante attitude de combat le peuple grec, ce peuple des Klephtes insou- mis et d'invincibles marins, poussé peu à peu à travers tant d'écueils vers une destinée nouvelle, on dirait un nautonnier attentif, flairant l'avenir, écoutant le vent qui va souffler et le porter vers des rivages qu'il a prévus et où il doit trouver le repos et la gloire. III. l/lSTHME, CALLAMACM. Une heure suffit pour traverser l'isthme et passer du golfe de Corinthe à celui de Salamine. Ce terrain semble avoir été pré- paré par la nature pour les jeux fameux qui s'y célébraient; il est plat et uni ; des arbrisseaux rabougris apparaissent çà et là , comme ces touffes d'herbes qui croissent sur une vieille place abandonnée. Des pins isolés s'élèvent de loin en loin ; cet arbre abondait autrefois dans cette plaine, et servait à couronner le vainqueur à la course.