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                         CHRONIQUE ARTISTIQUE.                             171
 circulation du sang, donc pas de gonflement de veines ni de muscles. Sa-
 chons-lui gré de n'avoir pas fait un de ces cadavres où l'on ne rencontre que
 saillie des os et dépression des chairs. La tète du Christ a conservé, sa phy-
 sionomie suave et douce : cette face n'est pas morte, elle dort.
    L'exécution de la vierge présentait des difficultés d'un autre genre. 11 est
presque physiquement impossible, dans le cours ordinaire des choses,
qu'une femme puisse tenir sur ses genoux le corps d'un homme sans qu'il y
ait exagération d'efforts et de mouvements. Il est évident que si la Vierge se
levait droite, elle serait d'une taille peu ordinaire; mais, en lui donnant une
taille proportionnelle, le groupe devenait ridicule et inexécutable : l'artiste
a donc été forcé de faire mentir la nature ; il a donné à la femme les pro-
portions du corps de l'homme , et l'harmonie s'est rétablie. La draperie de
la vierge est souple et largement jetée ; il le fallait pour dissimuler davan-
tage la longueur du corps de Jésus en opposition avec la hauteur du torse
de Marie. Le sentiment de pitié qui se peint sur ce visage n'a-t-il rien d'exa-
géré? Ne peut-on pas lui reprocher de sentir un peu la désolation ? Peut-être :
mais on sait combien les effets cherchés et obtenus sous le jour déterminé
de l'atelier sont modifiés sous le jour nouveau qu'ils reçoivent dans les édi-
fices où on les expose. A coup sûr si M. Fabisch eût pu prévoir qu'un malen-
contreux rayon de lumière viendrait dans l'église de l'Hôtel-Dieu frapper
directement les prunelles de sa Madone ; au lieu de les faire élever vers le
ciel, il les eût dirigées vers le corps du crucifié , et le jour glissant sur la
paupière nous aurait donné plus de calme. Mais le groupe n'est pas éclairé
à souhait, et il faut bien en prendre son parti. Marthe et Marie, Notre-
Dame-de-Pitié, voilà deux bonnes pages de M. Fabisch ; mais comme le se-
cond est autrement large ! comme les parties s'y rattachent avec plus d'u-
nité que dans le premier !
   Le même sujet a été placé au-dessus de la grande porte de l'église. Il est
une preuve de la difficulté , pour un praticien, de copier en augmentant.
On y a fait mettre des anges dont les proportions et le relief nuisent beau-
coup au sujet principal ; il eût mieux valu les retrancher complètement.
Au reste , tous ces personnages sont mal à l'aise dans l'étroit hémicycle du
tympan.
   Ainsi que nous l'avons exprimé en commençant, les restaurations sont en
bonne voie ; cependant nous signalerons quelques fautes de goût qu'on eût
pu facilement éviter. Ainsi, pourquoi, dans une église aussi riche de style
«pie celle de l'Hôtel-Dieu, habiller aussi pauvrement le jeu d'orgue ? Com-
ment a-t-on songé à introduire , en compagnie des pilastres à chapiteaux
corinthiens et des belles rolonneltes du sanctuaire , ces deux maigres fûts