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               ÉLOGE DE LOU1S-GABK1EL SUCHET.                    135

  longer l'agonie de la France, s'employait, eu sauvant les ap-
 parences, mais avec une sincère abnégation , à pacifier l'es-
 prit de l'armée et à dompter son irritation.
    Le peuple sait que l'habitude d'obéir à toutes les puissan-
 ces ne crée pas la constance dans le cœur des hommes de
 guerre, et que les révolutions qui ont à les combattre la veille,
 n'ont pas de plus complaisants serviteurs le lendemain. La
 discipline militaire, en enlevant à l'homme des camps l'exer-
 cice de sa propre volonté, lui enlève plus qu'à toute autre pro-
 fession l'énergie de caractère dans les vicissitudes des évé-
 nements. Mais hâtons-nous de dire que Suchet n'était pas un
 de ces satellites des camps qui passent d'un service à l'autre,
 comme leur épée passe de main en main, ne conservant
 dans leur nouvelle cause ni le respect d'eux-mêmes, ni le res-
 pect de ceux qu'ils ont précédemment servis; espèce d'hom-
mes aussi communs dans les camps que dans les cours, que la
discipline et la cupidité façonnent à l'adulation, à la bassesse,
 à la cruauté. C'était un homme de tête et de cœur, fidèle à
son pays et à son prince , mais fidèle aussi à la reconnais-
sance et à la gloire envers celui qui avait été son empereur.
Le maréchal Suchet, était un guerrier inaccessible à l'intri-
gue, dévoué à l'empereur, mais plus dévoué ù l'armée dont
il était l'un des modèles: tous ensemble tidèles par le cœur
à leur ancien général, fidèles par l'honneur aux Bourbons, de-
puis qu'ils étaient les chefs nécessaires de sa patrie. Les ré-
 volutions l'affligèrent toujours , sans l'aigrir ; il rentrait alors
dans les rangs des bons citoyens, pensait, parlait, agissait,
combattait avec le pays.
    Aussi, Louis XVIII, qui savait que Suchet avait contribué à
diminuer les nouveaux malheurs de la France, l'honora-t-il de
sa confiance ; il le réintégra dans sa dignité de pair de France,
et le nomma grand-croix de la Légion d'honneur ; plus lard, il
le choisit pour assister à la naissance du duc de Bordeaux.