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                     ÉTUDE SUR FRAYSSINOUS.                        13

 d'arguments nouveaux, confessant ainsi la défaite des écri-
 vains du XVIIIe siècle.
    L'ignorance et la frivolité des gens du monde ne vont
guère chercher la réfutation des erreurs où elle se trouve ;
 mais parce qu'on aime mieux le poison que l'antidote, est-ce
 à dire que l'antidote n'existe pas? Si encore il est des gens
qui préfèrent, par exemple, les facéties du Dictionnaire phi-
 losophique aux écrits solides et sérieux qui les ont combat-
tues, à qui la faute? Et ne savons-nous pas qu'il est mille
fois plus aisé de provoquer un rire obscène ou impie, que de
faire écouter à l'encontre une raison péremptoire ? Mais quel
genre de gloire peut-il revenir à des hommes qui se croient,
supérieurs, parce qu'ils égaient avec des turlupinades, ou
corrompent avec des doctrines perverses et immorales?
    Il serait donc bien facile de comprendre l'infériorité des
apologistes, fussent-ils môme aussi médiocres que l'ont pré-
tendu de beaux esprits de nos jours.
   Lorsqu'il est arrivé à des apologistes de vouloir prendre
leur siècle par le côté où il semblait le plus saisissable, alors
on a trouvé qu'ils faisaient du roman, et c'est ce qui a été dit
surtout de l'auteur du Génie du Christianisme. Au milieu de
l'émotion causée dans les esprits et de l'éclatante faveur qui ac-
cueillait ce livre, les fortes têtes de l'Institut, lesfidèleshéritiers
des encyclopédistes se raidissaient contre l'œuvre de Chateau-
briand. L'aîné des Lacretelle pensait qu'on pouvait écrire tout
aussi bien le Génie de la Philosophie que le Génie du Chris-
tianisme : il daignait môme tracer un plan, et il ne lui man-
quait plus qu'une main capable d'élever l'édifice. Ginguené,
qui annonçait le livre de Chateaubriand, dans la Décade, six
semaines seulement après l'apparition, s'excusait de venir
trop tard parler d'une œuvre déjà morte. Les uns se pre-
naient, dans leur critique, à quelques phrases d'un style trop
recherché; d'autres, comme Mrae de Slaèl, s'étonnaient et