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64                          PÉLOPONÈSE.

  moi sur une large pierre carrée : peut-être supportait-elle la sta-
  tue colossale du peuple de Sparte. On eût dit, à voir cette pierre
  brûlante et noircie, et la fumée subtile qui s'en échappait, que le
 travail d'un nouvel enfantement s'opérait sur ce foyer où cou-
 vait un invisible feu et que l'idole allait, comme le Sphinx, re-
 naître de ses cendres. J'aurais voulu aussi retrouver quelque
 chose de cette autre statue que les Spartiates avaient élevée à
 Mars, et où ils le représentaient les pieds enchaînés par d'énor-
 mes fers, cherchant de la sorte à retenir au milieu d'eux le génie
 de la guerre et à s'assurer une éternelle victoire. Rien, parmi les
 décombres, ne me parut se rattacher à ce souvenir ; Vénus, avec
 toute sa science de déesse et tout son instinct de femme qui aime,
 Vénus elle-même ne pourrait retrouver en ces lieux la moindre
 trace de son divin amant. Les Athéniens avaient eu la même
 inspiration en adorant la Victoire Aptère, ainsi nommée parce
qu'ils l'avaient représentée sans ailes, afin qu'elle ne pût porter
son vol hors de leur cité. Le moyen qu'ils employèrent pour fixer
chez euxla victoire, avait du moins quelque chose déplus délicat
que celui des Spartiates : ils lui construisirent un temple char-
mant, chef-d'œuvre de grâce et d'élégance, véritable perle res-
plendissant au milieu des magnificences du Parthénon ; l'encens
brûlait sans cesse devant ses autels que des prêtres, spéciale-
ment consacrés à son culte, étaient chargés d'entretenir ; au sein
de ce séjour délicieux et de ces fêtes continuelles , elle pouvait
se faire illusion sur sa captivité et s'endormir aisément au
milieu de ce peuple qui lui faisait une si douce et si respectueuse
violence. Le temple est encore debout tout entier, orné de toutes
ses colonnes et de tous ses bas-reliefs; ni le temps ni les hommes
n'y ont touché, et il semble attendre, de moment en moment, le
retour de son inconstante déesse à qui le destin, plus fort que
l'homme, a rendu ses ailes pour la conduire ailleurs. Un jour
arrivera peut-être où elle reviendra d'elle-même redemander ses
fers ; alors le peuple athénien, et avec lui le peuple grec tout en-
tier , reprendra la suite trop long-temps interrompue de ses bril-
lantes destinées.
    Une jeune femme, assise sur un débris de rempart, gar-