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202 ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUC11EÃ. nilé , et adorait profondément la providence dont il se croyait appelé , selon son pouvoir, à propager les éléments de civilisation , dans celte époque de luttes et de dévelop- pement. Il n'était pas tant flatté de vaincre les Espagnols que de se faire aimer d'eux. 11 n'oubliait rien pour se présenter dans leur pays en amis : il épargnait les populations et respec- tait les propriétés. Il voulait populariser le nom français par la discipline et la générosité , et en sauvegardant les lois saintes de l'humanité. Dans sa marche militaire , il ne fou- lait qu'avec ménagement le sol étranger, offrant une admi- rable discipline, une intrépidité réfléchie. Il désirait que l'Espagne vit en lui, non pas un conquérant, mais un admi- nistrateur , un civilisateur. Il aima toujours mieux l'attirer que l'humilier ; et s'il eût été appelé dans les conseils de l'empereur, alors que celte nation se jetait dans ses bras , acceptait sa médiation , implorait sa tutelle , il eût, sans doute , incliné pour qu'on maintînt le pacte naturel entre deux nations faites pour s'associer (1). Il voyait, d'un côté , la France aimant l'Espagne , attentive à ses luttes et recevant en elle-même le contre-coup de toutes ses dissensions , inté- ressée à l'établissement solide de la royauté constitutionnelle, exerçant une influence considérable , sans doute , mais sans (1) Il suffit de jeter un regard sur la carte et sur l'histoire pour juger de l'intérêt que nous avons à l'union des deux pays : en desaccord avec l'Espagne, nos provinces du Midi se trouvent sevrées d'un commerce qui fait leur richesse , et notre marine est privée, dans les Deux-Mondes, des secours et des ports nécessaires dans nos conflits avec les Anglais. Pendant la guerre de 1756, les efforts de l'Espagne nous épargnèrent les honteuses conditions que nous subîmes par le traité de 1763 ; e t , en 1778, la jonction des deux marines força la flotte anglaise à se réfugier dans le canal de Saint-Georges. La République , par la présence d'une armée espagnole , connut le danger de laisser ouverte notre frontière du Languedoc et du Béarn , et se hâta de conclure la paix de Bâle.