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352 F.-Z. COLLOMBET. les hommes qui avaient fait la révolution ne craignaient pas de proclamer bien haut que le Christianisme avait fait son temps et que l'heure était venue de lui substituer cette philosophie im- puissante et matérialiste qui avait déjà perdu une génération. La vue de ce qui se passait réveilla dans l'âme généreuse de Collombet un dessein qu'il n'eut pas de peine à faire partager à son ami, celui de lutter contre l'erreur de leur siècle. Pendant que les nouvelles idées de libéralisme enivraient tant d'autres têtes, voici comment un jeune homme de vingt-trois ans envi- sageait le présent et l'avenir : » En cette orageuse année de 1830, deux jeunes gens que des goûts pareils avaient unis sur la fin de leurs études, se trouvè- rent brusquement jetés hors d'une route qui cependant leur souriait. Étrangers aux turbulentes illusions que tant d'esprits nourrissaient alors, ils envisageaient douloureusement l'avenir, car ils n'avaient pas foi à ceux qui donnaient le branle, et l'ex- périence des années écoulées depuis n'a pas encore changé leurs convictions. Ils ne pensent point, en effet, que, des confuses doctrines qui se prêchent autour d'eux, l'on puisse voir sortir aisément quelque chose de noble, de stable et d'arrêté, ni que ces importantes logomachies doivent aboutir à de salutaires ensei- gnements , puis enfin, lorsqu'ils songent que les plus fortes intelligences abdiquent avec tant de facilité leurs pensées de la veille, que d'insatiables ardeurs de philosophie et de liberté sont venues expirer en face de l'intérêt et de la matière, que l'orgueil delà sagesse humaine est descendu tout à coup jusque-là , ils se demandent où sont les maîtres, où sont les guides, et par qui désormais il sera permis de jurer Oh! ils plaignent sincère- ment les nobles esprits qui, se prenant à de vides ombres, tout en croyant saisir et le vrai et le bien, se laissent emporter à tout vent de doctrine, se desséchent aux dévorantes ardeurs des luttes sociales, et regardent s'il est une autre ancre de salut que cette croix de bois qui a sauvé le monde (l). • > (1) Préface de l'Hist. civile et religieuse des lettres latines , aux i-v" et ë siècle.