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FRÉDÉRIC OZANAM. 321 folles joies, l'étudiant lyonnais se montra toujours aussi sage que laborieux et consacra ses loisirs aux lettres et à la religion. Ozanam fut dès lors ce qu'il n'a pas cessé d'être, zélé et indus- trieux pour le catholicisme. Voici ce qu'on a raconté de lui à ce sujet : < Un jour, le professeur Jouffroy, psychologue éminent, qui croyait alors ( que l'analyse philosophique était bien supérieure à l'enseignement chrétien, et qui devait dix ans plus tard dire en mourant : Tous les systèmes ne va- lent pas une page du catéchisme , Jouffroy, dis-je, se permit dans son cours une critique formelle de la foi chrétienne cttle son culte. Ozanam était dans l'auditoire ; il crut ne pas devoir laisser passer une pareille attaque sans protestation. Rentré chez lui, il rédige une lettre à l'adresse du professeur. Mais une réclamation individuelle lui semblait bien impuissante ; il fallait recueillir quelques adhésions et présenter la lettre au nom des étudiants ca- tholiques. Il courut tout Paris et parvint à se faire donner cinq signatures, La lettre fut envoyée ainsi, et les signataires en attendaient peu d'effet, Mais Jouffroy, dont l'âme était noble et avait été croyante, était fait pour com- prendre ce que méritent d'égards six jeunes gens fidèles à leur religion. Dans la leçon suivante, il rétracta ses paroles , et rendit l'hommage le plus complet aux jeunes hommes qui se font honneur de professer et de pratiquer le catholicisme. < C'est à Ozanam lui-même que j'ai entendu raconter celte anecdote, et il ( en tirait la conclusion suivante, qu'il adressait aux étudiants catholiques de 1846 : « Voilà ce que nous avons pu obtenir quand nous étions six et que « nous ne nous connaissions pas ; aujourd'hui vous êtes plusieurs centaines « et vous vous connaissez, » Ces paroles étaient dites à l'époque des troubles excités au cours de M. Lenormant par une petite cabale anti-religieuse. L'auditoire do M. Lenormant était en majorité composé de catholiques et d'hommes sérieux ; la moindre entente pour faire respecter les droits de l'auditoire en même temps que ceux du professeur eût suffi pour faire jus- tice des perturbateurs. C'était l'opinion d'Ozanam , qui se, connaissait en auditoires de cours publics. Il rédigea même, sur ma demande, un projet de protestation dont je m'emparai, que je fis transcrire et présenter à un grand nombre d'auditeurs de M. Lenormant. Cette protestation allait être publiée, quand un arrêté ministériel donnant raison, quoique à regret, aux pertur- bateurs, suspendit le cours de M. Lenormant (1). » (I) (iourju, loc. cil. •il