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FOURVIÈRES. 315 lui-même disparaît aujourd'hui devant cet oubli de la tradition et la manie de faire du nouveau. Il est possible que les généra- tions futures s'habituent à la Vierge privée de son fils ; quant à moi, j'ai vu toute ma vie associés la mère et son enfant, et je ne comprends pas la Madone deshéritée du symbole de son plus glorieux privilège. II m'arrive parfois de douter des doctrines que je soutiens ; et comment n'en serait-il pas ainsi ? A l'époque de la très-légitime agitation dont la Gazette de Lyon eut, je crois, l'honneur de l'initiative, un journal, célèbre et tout-puissant dans le monde religieux, tança vertement, et avec le dédain habituel aux Pari- siens, les opinions esthétiques des écrivains de notre ville. Ce- pendant ce journal affiche la prétention d'être le défenseur exclu- sif des idées religieuses ; j'ai souvent lu dans ses colonnes d'ex- cellents articles d'archéologie chrétienne, et il proteste journel- lement contre l'envahissement cxhorbitant des intérêts matériels. C'est à n'y rien comprendre. En effet, je vais résumer la ques- tion, en mettant sous les yeux des lecteurs les deux types rivaux, admirablement placés en regard l'un de l'autre : le couvent des Carmes-Déchaux et la maison Brunet. Messieurs de l'Univers prirent parti pour le dernier type. Au reste, toute réflexion faite, les ennemis de Virgile et d'Homère peuvent bien, sans trop grande inconséquence, avoir des idées un peu baroques en matière d'art. La Croix-Rousse n'attend plus que le pont suspendu pour traverser sur la colline delà rive droite et y envoyer une colonie. Jusqu'à présent la beauté pittoresque de Fourvières et son au- réole sacrée en imposaient à sa voisine ; mais quand les établis- sements religieux prennent humblement d'avance la livrée de leur future dominatrice, rien ne sera plus capable de relarder l'invasion. Aurait-on voulu voir les Jésuites se poser seuls en ennemis des idées du siècle ? On leur a reproché si souvent d'être adversaires du présent et partisans du passé qu'ils avaient pensé plaire au public en imitant ce qui se fait non-seulement à Lyon, mais partout ailleurs. Rome elle-même, Rome commence à sacrifier aux faux dieux, encouragée par les applaudissements