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250 PÉLOPONÈSE. et les introduire dans un petit tronc de pierre surmonté d'une croix et élevé entre deux platanes ; s'étant aperçu que je l'avais remarqué, il vint me prier d'en faire autant et m'expliquer que l'argent déposé dans ce tronc devait contribuer à bâtir une cha- pelle sur cet emplacement même. C'est un usage, en Grèce, lors- que les habitants de-quelque pauvre hameau veulent se construire une église, d'établir un tronc avec une croix, à l'endroit même où elle doit être construite. Cet appel à la générosité du peuple n'est jamais vain, car toute pensée religieuse trouve un puissant écho dans le cœur des Grecs. Pas un passant ne manque de s'arrêter devant ces troncs modestes et solitaires pour y laisser tomber une aumône proportionnée à sa fortune; le plus riche nomarque descend pieusement de cheval et dépose son offrande sans osten- tation, et le mendiant le plus misérable y jette sa dernière obole. Je rencontrai, en effet, dans la suite, une grande quantité de ces troncs abandonnés sur la route jusqu'au jour où ils seront remplis et feront place à quelque charmante petite église. Je remarquai qu'ils étaient presque toujours placés dans un site dont la beauté élève la pensée de l'homme vers le ciel ; il semble que le peuple grec tient encore de ses ancêtres cet instinct artistique qui por- tait ceux-ci à ne choisir pour leurs temples que d'admirables si- tuations ; on dirait que ce peuple, amoureux du beau, a toujours senti le besoin de mêler ses prières aux sublimes concerts de la nature, et qu'il adresse au créateur de plus parfaites adorations dans les lieux où celui-ci déploie le plus de magnificences. II. AUGOS. Argos se trouve à une petite demi-heure de Képhalobrysis. Quand on approche de ses murs, l'âme se recueille d'elle-même. Berceau des premiers peuples de la Grèce, suzeraine, par le droit du sang ou de la conquête, des plus puissantes cités du Pélopo-