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                           PÉLOPONÈSE.                          249
 tôt à Kephalovrysis, charmante petite bourgade située entre Myli
 (Lerne) et Argos, à peu de distance de celle-ci. Fatigué delà route
 et, plus encore, séduit par la fraîcheur et la grâce de ce paysage,
j'y fis une halte.
    A l'entrée du village , on voit une immense caverne au pied
d'un rocher que la nature a taillé à pic; cette caverne sert d'issue
à un petit lac formé, à ce que disent les habitants du pays, par
des eaux qui descendent, en cheminant sous terre, de Stymphale,
ville de la haute Arcadie, et qui, à cet endroit, font irruption à
travers le sol. En effet, en se penchant sur cette onde verte et
limpide, on la voit tout au fond se gonfler et bouillonner comme
sous l'action d'une chaleur intérieure, sans que cette agitation
parvienne jusqu'à la surface. Cette source, appelée Kephalari,
engendre un petit fleuve qui porte le même nom et s'en va dou-
cement à la mer; c'était autrefois l'Erasinus d'après les des-
criptions des anciens géographes et l'opinion de quelques savants
modernes. Mais à quoi bon s'inquiéter d'un vieux nom, sur l'exac-
titude duquel on pourrait discuter longtemps , lorsqu'on peut se
reposer et rêver au milieu de ce délicieux paysage dont le charme
tout pastoral est rehaussé par la perspective lointaine des gorges
austères et sombres de Mycènes. Là, des femmes d'Argos vien-
nent chercher une eau fraîche et en remplissent de hautes am-
phores qu'elles chargent ensuite sur leurs épaules ; elles portent
l'ample tunique de laine blanche et le voile aux longs plis , au
tissu transparent, que portaient autrefois sur la scène les femmes
qui chantaient les chœurs de Sophocle et d'Euripide. Des che-
vaux revenant du labour, et des bœufs rentrant aux étables , se
désaltèrent à longs traits. Tout autour du bassin, d'immenses pla-
tanes s'élèvent, derniers rejetons de l'antique bois sacré de Cérès
qui s'étendait jusqu'au bord de la mer en couvrant une partie de
la plaine ; enfin, tout le long du cours sinueux de ce petit fleuve,
des ponts de bois sont jetés d'une rive à l'autre, des moulins
sans nombre tournent leur large roue toute ruisselante d'une
onde empourprée par les rayons du soleil couchant.
   Pendant que je méditais, mollement étendu sur un vert gazon,
je vis mon guide tirer de sa bourse quelques pièces de monnaie