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               ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET,                 205

dace s'alliait toujours chez lui avec la prudence, dans la con-
ception de ses opérations; le sang-froid et la présence d'esprit
ne l'abandonnèrent jamais.
    Il savait allier la bravoure du maréchal de Saxe au désin-
téressement de Turenne et à la modestie de Catinat. Il était
l'un des soldats chevaleresques de l'époque impériale, l'une
des figures les plus grandes, les plus héroïques parmi les
compagnons du nouvel Alexandre; aussi Napoléon ne le
séparait-il poinl dans son esprit des noms glorieux inscrits
dans les fastes de la France. Il pensait que sa gloire égalait
la leur.
    Lorsqu'il le revit après huit années de séparation, il lui dit
en allant à sa rencontre, et lui tendant la main :
     « Maréchal Suchet! vous avez bien grandi depuis que nous
« ne nous sommes vus. Soyez le bien-venu : vous apportez
« la gloire, vous apportez tout ce que les héros donnent n
« leurs contemporains sur la terre. Je ne vous parle point
« de l'avenir : c'est votre propriété. »
    Une belle princesse, la plus adorée des femmes de son
temps, et qui eût voulu plus tard décorer l'exil de son illustre
frère, présente à celte réception, ajouta :
    « M. le Maréchal ! je n'ai pas d'éloges à vous faire. Sachez
« seulement que vous n'avez pas tiré un coup de canon pour
« la gloire de la France, sans que mon cœur ait battu d'ad-
« miralion et de reconnaissance pour vous. »
     Et quand, à quelques années de là, l'homme du destin
vivait de souvenirs sur le rocher de Sainte-Hélène, l'image
de Suchet, de celui qu'il s'était plu à appeler son ami, lui ap-
paraissait dans ses entretiens avec ses familiers, car il expri-
mait la môme pensée, en disant que « Suchet était quelqu'un
 « chez qui l'esprit et le caractère s'étaient accrus à sur-
 e prendre (1). »
  t
  (1) Las Cases, Mémorial de Saiiite-Hrlhie, t. n, p. (!).