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206 ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET. El lorsque Napoléon semblait déjà être hors du siècle, comme dans un monde nouveau, d'où il considérait la France et l'Europe, et où il aimait à s'entretenir des hommes et des choses de son temps, O'Méara lui demandant quel était le plus habile général français : « Cela est difficile à dire, répon- « dit le grand capitaine, mais il me semble que c'est Suchel ; « auparavant c'était Masséna, mais on peut le considérer « comme mort : Suchet et Gérard sont, à mon avis, les meil- « leurs généraux français. Si j'avais eu deux maréchaux « comme Suchet en Espagne, non seulement j'aurais conquis « la Péninsule, mais je l'aurais conservée. » L'amitié de Napoléon mourant avait jeté sur le maréchal Suchet un de ces reflets posthumes que les grandes renom- mées laissent après elles sur ce qui les a approchées. Telles étaient les pensées de Napoléon sur ses compagnons d'armes. Son génie associait alors son île étroite , celle immense solitude, aux destins du monde. Ce point imper- ceptible de l'Océan Atlantique , ces rivages escarpés qui lui forment un rempart naturel et presque inexpugnable, rap- pellent assez bien les destinées humaines ; il y a là quelque chose de l'infini. Par le côté fermé, il porte au recueillement; par le côté ouvert, il sollicite la pensée à se répandre, et em- porte l'âme dans les lointains de l'espérance. Les qualités de l'esprit et du cœur du maréchal lui valurent d'autres amiliés : c'étaient, après Napoléon, Masséna, Mo- reau, Lannes, Bernadolte, Jouberl. Avec eux, il marchait sur les traces du premier. Plusieurs souverains et princes étran- gers le traitèrent avec distinction, et lui firent plusieurs fois l'accueil le plus flatteur. Il s'assit à la table des Empereurs et des Rois ; il prit part à leurs fêles. Il fui en relation avec une foule de personnages célèbres dans les armes , dans l'église, la politique, la magistrature, les sciences, les arts et les lettres.