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ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET. 131 hommes supérieurs, que pour châtier en eux l'orgueil hu- main par d'inévitables déceptions : Charlemagne , Charles- Quint et Napoléon sont trois de ces hommes. Nous avons vu tomber et s'abimer dans les gouffres de l'his- toire bien des grandeurs souveraines ; nous avons vu ça et là , dans l'étude et dans la contemplation des siècles, bien des chutes profondes, des infortunes éclatantes, des douleurs in- finies; nous avons aperçu des rois écrasés sous les débris du trône, de grands hommes de guerre qui succombaient dans la bataille en devinant la victoire , d'illustres innocents qui mouraient par la main du bourreau , des princes exilés par leurs peuples, des martyrs qui s'en allaient vers Dieu par la route de l'échafaud. Mais rien dans les livres, rien de so- lennel, de douloureux et de terrible ne nous a plus ému, plus effrayé, plus remué que le spectacle de ce dénouement de la tragédie impériale. Napoléon expira sur le rocher inhospitalier de Ste Hélène, à la suite d'une agonie de six années. Cette grande âme retourna vers le dieu qui juge les rois et les peuples. Après avoir re- posé dans son malheur sur la terre étrangère , il repose au- jourd'hui dans sa gloire, sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple qu'il aima tant. L'histoire commence à l'y ré- veiller du bruit de sa justice et de ses éloges. Suchet voulut rester à cheval tant qu'il y eut un coup d'é- pée à donner; il avait vécu sous la tente, au milieu des triom- phes et loin de nos malheurs. A mesure que le bruit des ar- mes cessait, il dévorait les jours dans une expectative dont toutes les éventualités l'attristaient ; la déchéance et la cap- tivité de l'empereur lui arrachèrent des larmes. Ce change- ment lui imposait de nouveaux devoirs qu'il remplit avec franchise et désintéressement; il fit reconnaître Louis XVIII par son armée. Lorsque le duc d'Albuféra revint en France, le roi était déjÃ