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PÉLOVONÈSE. 71 l'eau d'une fontaine où les femmes viennent laver. Une pompe funèbre est représentée en bas-relief sur trois de ses faces ; on voit, derrière le char mortuaire, ces femmes dont le métier était de pleurer dans ces tristes cérémonies ; elles ont la tête pen- chée sur la poitrine et couverte d'un voile; à leur suite s'avan- cent des guerriers, les uns à pied, les autres montés sur des cour- siers qui se cabrent. Une petite fille lavait un paquet de linges au moment où nous arrivâmes à cet endroit. Sa petite taille allait à peine à la hauteur du bassin, et ses mains ne pouvaient atteindre l'eau qui se trouvait au fond. Comme elle pleurait amèrement, mon guide lui demanda la cause de son chagrin; la pauvre petite n'avait été ni battue, ni privée de nourriture, ni envoyée là par force, mais elle se désolait parce que sa besogne n'avançait pas. L'eau, coulant dans le bassin par un conduit trop court, ne pouvait atteindre les hardes que l'enfant y avait placées ; celle- ci avait beau ajouter des feuilles de mûrier et des fragments d'écorce d'arbre pour allonger le jet d'eau, écorces ni feuilles ne pouvaient tenir, et son linge restait sec. Nous lui fîmes alors avec nos couteaux un magnifique tube en bois qui la mit au comble de ses vœux. Elle nous remercia de ses grands yeux pleins de larmes et se remit à l'œuvre avec ardeur, sans savoir que cette eau salie et ces hardes déchirées profanaient un tom- beau qui renfermait peut-être les cendres de quelque guerrier ou de quelque orateur fameux. On passerait de longues journées à explorer les environs de Sparte, et l'on ne cesserait de trouver des sites et des im- pressions nouvelles ; cette riche nature se diversifie à chaque pas, sans s'écarter du type sauvage qui règne sur tout le Taygète et s'efface graduellement en descendant vers la plaine. Au sortir de l'ancienne ville, nous franchîmes, sur un pont construit avec des troncs d'arbres, un magnifique torrent qu'on voit écumer et descendre du haut de la montagne, ondoyant comme un turban qui se déroule. Ses ondes, arrêtées et recueillies par un immense trou de rocher, forment, au dessus du pont, un petit lac aérien qui s'écoule insensiblement et sans bruit, et reprend p jus bas ses cascades. Des arbres verts et touffus l'entourent, de milliers