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72                         PÉLOPONÈSE.
d'oiseaux chantent et s'ébattent dans le frais feuillage ; jamais
site ne me parut plus poétique et plus plein de mystère. Mal-
heureusement , aucun sentier n'y conduit, et les accidents de
la montagne empêchent d'y arriver. Ce lieu charmant ne fut
donc jamais témoin d'aucune de ces scènes qui demandent le
silence, le recueillement et la solitude ; Narcisse seul en eut peut-
être l'accès et vint admirer son beau visage dans ses eaux tran-
quilles et limpides.
   Au-dessus du bourg actuel est située, au milieu d'une large
fente de la montagne, la romantique source de Babouli; de loin,
on la prendrait pour un château gothique flanqué de deux tou-
relles et adossé à un bouquet de bois ; en s'approchant, on re-
connaît une charmante fontaine turque, qu'on a ornée plus
tard de deux hautes colonnes ajoutées de chaque côté comme
pour lui donner l'air d'un vieux castel. Misthra est actuellement
«ne ville de peu d'importance, mais remarquable au plus hant
degré par le caractère et la physionomie de ses habitants ; on y
retrouve les hommes d'autrefois comme on retrouve ailleurs leurs
théâtres et leurs temples. C'est une des peuplades de la Grèce
chez laquelle les caractères primitifs de la nation se sont le
moins altérés; à la grave et flère attitude de ces hommes, à
leur traits superbes, à leur air d'indépendance, on reconnaît
aisément la vieille race des Pélasges ; leur langage même a
conservé quelque chose de la tournure des phrases antiques.
Ce dernier trait est particulier aux races bien conservées ; à
Missolonghi, par exemple, où se trouvent les hommes les plus
braves et les femmes les plus belles de la Grèce, on entend les
 gens du peuple prononcer des mots qu'Homère employait et qui
n'appartiennent plus à la langue moderne. Les habitants de
Misthra, comme ceux de tout le Magne oriental dont ils font
partie, ne subirent jamais la domination des divers conquérants
du pays ; ni les Français, ni les Vénitiens, ni les Turcs ne pu-
rent les soumettre à une servitude régulière, ni obtenir d'eux
 d'autres tributs que ceux qu'ils voulurent bien s'imposer eux-
mêmes. Le sultan, renonçant à les réduire et voulant cependant
mettre fin aux irruptions qu'ils faisaient dans les pays voisins,