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                           PÉLOPONÈSE.                            61

myrthe et d'olivier, derniers attributs de son antique royauté
que la main de Dieu entretient et renouvelle sur sa tombe, om-
bragent sa fauve dépouille de leurs rameaux touffus.
   Nous trouvâmes difficilement un endroit commode pour pas-
ser de l'autre côté du fleuve grossi, ce jour-là, par les torrents
voisins qu'une abondante pluie d'orage avait gonflés pendant la
nuit. Après l'avoir traversé, nous tombâmes dans des marais qui
s'étendent assez loin et que dissimulent des touffes de joncs, d'her-
bes, de fleurs aquatiles et de lauriers; pour peu que l'on quitte le
sentier battu, on s'enfonce dans une mare profonde où l'on ris-
que fort de rester embourbé et de périr étouffé. Le terrain suit
une pente insensible qui conduit au pied d'une colline très-
basse et très-nue. A partir de là, on rencontre à de longs inter-
valles tantôt une large pierre carrée rongée par les mousses, tan-
tôt les vestiges d'une chaussée antique, et plus loin , des débris
de monuments accumulés les uns contre les autres comme de
vieux os entassés par le vent. Alors, l'inquiétude, la tristesse, je
dirai presque la crainte, s'emparent de vous; Sparte est là !
parmi ces pierres sans forme, au sein de ces arbrisseaux déchar-
nés, sur ce sol frappé de l'infécondité de la mort. Tout autour à
une certaine distance, des prairies s'étendent et des bois s'élè-
vent ; mais cette végétation s'arrête aux limites de l'emplacement
de l'ancienne ville : la nature cesse d'enfanter sur la grande tombe
de Lacédémone. On avance en silence et lentement, comme si
l'on craignait de réveiller par une marche trop précipitée tous
ces siècles qui dorment sous vos pieds ; on prête une oreille
avide aux bruits de la montagne ou de la vallée , aux échos qui
vont de l'une à l'autre, comme s'ils allaient redire ces grands
noms qu'ils se renvoyaient autrefois. Deux prêtres grecs nous
croisèrent sur le chemin ; un vêtement d'une ampleur orientale
traînait jusqu'à leurs pieds ; une toque élevée retenait leur che-
velure grise et bouclée, et leur barbe immense ondoyait sur leur
poitrine ; je me découvris à leur passage, ils répondirent à mon
salut en portant la main sur leur cœur. Dans ces lieux et sous
l'impression qu'ils produisent, tout est prestige : je crus voir
passer les ombres graves et recueillies des deux rois de Sparte,