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60 PÉLOPOISÈSE. s'étonne de l'aspect qu'elle a revêtu. Des montagnes se dressent ici où un espace vide semblait s'ouvrir devant vos pas ; là , au contraire, où le regard croyait deviner des sommets infranchissa- bles, le jour découvre de larges vallées, des plaines immenses, et, plus loin, la mer et de lumineux horizons. Nous cheminions depuis assez longtemps, et, tandisque nos pieds se traînaient en- core péniblement dans l'ombre, le ciel était plein de clartés. Je fus surpris, en regardant autour de moi, de revoir la maison où j'avais passé la nuit et l'église qui m'avait charmé la veille, aune distance si rapprochée, que je fus tenté de croire qu'un génie moqueur s'était amusé à nous ramener méchamment sur nos pas. Cependant, mon guide m'assurait que nous avions déjà fait un assez long chemin et que nous étions sur la bonne route. C'est qu'on ne descend pas d'un seul bond dans la vallée ; il faut, pour y arriver , franchir successivement plu- sieurs buttes assez élevées et séparées par de profonds ravins. Ce labyrinthe, du reste, n'est point désagréable à suivre dans ses nombreux détours ; sur les crêtes, des mousses et des herbes rampantes exhalent un parfum délicieux, et se déroulent sous vos pas comme un tapis moelleux ; à mesure que l'on descend en formant des zig-zags interminables, on s'enfonce de plus en plus sous une forêt d'arbustes peu élevés dont l'épaisseur, impénétrable aux rayons du soleil, est tout humide de rosée et toute frémissante de fraîches voix d'oiseaux. De temps à autre une chèvre effarouchée s'enfuit à votre approche, invisible et légère, froissant à peine le feuillage, ainsi qu'un faune qui aurait craint d'être surpris. Enfin, après une marche de deux heures environ, nous attei- gnîmes le rivage de l'Eurotas, que les Grecs appellent aujourd'hui basili-potamos , fleuve-roi ; fleuve-roi, en'effet, par la richesse et la grandeur des souvenirs qu'il réveille ; mais, hélas ! roi dé- couronné maintenant, fleuve tari, dans le lit duquel les orages précipitent seuls de temps à autre des flots jaunes et im- purs. Les cygnes aux blanches ailes, qui le fréquentaient, ont disparu, et l'on ne voit plus, comme autrefois , une fière jeu- nesse s'abreuver à son onde fortifiante ; d'épais bosquets de