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482                     EXCURSION DANS LE MIDI.

vriers delà paix, ce que nous voyons faire ici pour les ouvriers
de la guerre.
   Ne vous attendez pas de trouver aux Invalides d'Avignon la
majestueuse beauté de l'hôtel royal de Paris, ni les cours
d'honneur, ni les trophées de bataille, ni les arcs-de-triomphe,
ni son dôme doré (1). Ici les vieux soldats mutilés ont sur
leurs lêtes le beau ciel bleu de la Provence ; ce dôme là vaut
bien l'autre. Comme j'avais fait cette réflexion tout haut, un
invalide qui me conduisait me dit :
   — Monsieur, je ne puis entendre parler du dôme des Inva-
lides et de son casque d'or que Napoléon lui a donné en 1813,
sans me rappeler aussitôt le général Mallet, vous savez Yauteur
de la conspiration contre l'empereur ? On conduisait le pauvre
homme à la plaine de Grenelle pour y être fusillé. J'étais de
l'escorte, et ça ne m'amusait guère, vous pouvez m'en croire,
mais on est commandé, faut obéir, il n'y a pas à tortiller.
J'étais à côté de lui comme je suis à côté de vous. En passant
devant l'hôtel des Invalides il regarde le dôme, dont la moitié
était déjà toute reluisante d'or, et il dit tranquillement : « Ce
sera beau lorsque ce sera fini. » — Celui-là n'avait pas peur
de la mort, je vous en réponds. C'était encore un brave gé-
néral, mais il avait fait une bêtise, les généraux n'en sont pas
exempts. C'est dommage!
   L'air de candide assurance avec laquelle le vieux soldat
avait prononcé ces dernières paroles, nous fit beaucoup rire.


   (1) C'est Louis XIV qui, le premier, fit dorer le dôme des Invalides.
Louis XV le couvrit économiquement d'une chemise d'ocre jaune. Napoléon
lui rendit son habit doré, il y a de cela plus de trente aus; aussi l'or est-il
en partie effacé ou noirci. On assurait, il y a quelque temps, que le ministre
de l'intérieur, M. Duchàtel, était en marché avec M. de ftuolz, l'inventeur de la
galvanoplastie, pour lui faire dorer le dôme des Invalides, par son nouveau
procédé. Sous l'Empire, celte opération avait coulé 1,500,000 francs. On as-
sure que M. de Ruolz ne demande aujourd'hui que 800,000 francs, en s'enga-
géant à faire plus vite et mieux qu'on ne fit les deux premières fois.