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                       EXCURSION DANS LE MIDI.                            459
Vaucluse. Chaque minute de délai accroît le péril; une populace ivre de
fureur ferme tous les passages; une grêle de pierres est lancée contre la voi-
ture qui avait franchi la porte, lorsque des forcenés saisissent la bride des
ehevaux, et ramènent le maréchal à l'hôtel qu'il venait de quitter; on en
ferme aussitôt les portes.
   Le guerrier, inaccessible à la crainte, encourage ses aides de camp, qui
ne tremblent que pour lui ; on les sépare, et il remonte seul dans cette
chambre où il attend avec une constance héroïque l'événement dont il pré-
voit l'issue.
   La ville entière est réunie sur la place; l'atroce calomnie (consignée
dans le libelle de l'infâme Lewis Goldsmit) vole de t bouche en bouche, répé-
tée, commentée par MM.*** que l'on voit errer à travers les groupes.
   Déjà s'élèvent contre un vieux guerrier, dont le sang a tant de fois coulé
pour la France, des cris de mort, dont on entend que les horibles échos. Il
est juste de dire qu'une partie des officiers de la garde nationale firent tous
leurs efforts pour empêcher une sanglante catastrophe.
   Dans les premiers moments de l'émeute, le maréchal écrivit, sur le chapeau
d'un officier, un billet conçu en ces termes, au général autrichien Nugent,
qui se trouvait en ce moment à Aix. —« Vous savez nos conventions ; je suis
arrêté à Avignon ; je compte que vous viendrez me délivrer. » Que devint
cette lettre, c'est ce qu'on ignore.
   Le nouveau préfet de Vaucluse (M. de St-Chamans), arrivé pendant la
nuit, se trouvait incognito dans celte même auberge ; éveillé par cet affreux
tumulte, il se présente au peuple ; son autorité est méconnue, et l'un des
chefs de l'émeute ne craint pas de déclarer qu'il est investi lui-même des
fonctions de préfet. On bat la générale; le maire, le courageux et respectable
M. Puy, à la tête d'une compagnie de gardes nationaux et de quelques gen-
darmes écarte un moment ces furieux. Le préfet se rend auprès du maréchal,
et cherche vainement à favoriser sa fuite ; il harangue de nouveau une popu-
lace frénétique, elle répond en s'efforçant d'enfoncer la garde qui lui résiste
avec toute l'intrépidité que le maire lui communique: « Misérables (leur crie
ce digne magistrat du peuple) 1 vous n'arriverez au maréchal qu'en passant
sur mon corps; » et il se place au milieu des baïonnettes qu'il fait croiser
devant la porte de l'hôtel.
  Pendant ce temps, d'autres bandits escaladent les murailles, et pénètrent
parles derrières de l'hôtel. Le maréchal qui les entend approcher, demande,
aux factionnaires placés à la porte de sa chambre, ses armes qu'on lui a enle-
vées; on les lui refuse : il offre vainement à l'un d'eux une bourse d'or pour
son fusil.