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208        un   L'ÉTAT ACTUEL DE LA      PHILOSOPHIE

sans vouloir imposer un code à la foi. Libre et spontanée de
sa nature, la piété, qui n'existerait plus dès qu'elle serait for-
cée, tombe nécessairement en dehors de tout ce dont l'Etat
peut ordonner et obtenir l'exécution. Dès que le pouvoir
temporel méconnaît cette vérité, il se dégrade lui-môme, eût-il
d'ailleurs les meilleures intentions. Un Etat qui, sous pré-
texte de vouloir être chrétien, refuse aux communautés non
chétiennes les droits de citoyen, est non pas supérieur, mais,
quoiqu'en disent les hégéliens, infiniment inférieur à l'Etat
laïque qui accorde les mêmes droits civils à toutes les com-
munautés religieuses qui ne troublent pas l'ordre public. La
véritable dignité de l'Etat consiste non à prétendre à ce qui
est au dessus de sa sphère, mais à savoir multiplier les résul-
tats de son activité, en se bornant à la sphère qui lui est lé-
gitimement tracée.
   Quelque soit, du reste, le jugement que l'on veuille porter
sur la doctrine du théologien d'Heidelberg, il faudra reconnaître
(et nous nous empressons de le déclarer) qu'elle esl mûrement
réfléchie, assise sur une forte base spéculative et imprégnée
d'un esprit profondément chrétien. Aussi, ces idées, fortes de
leur ensemble systématique et de la vie religieuse qui les anime,
ont-elles fait sensation dans le monde Ihéologique de l'Allema-
gne. L'ouvrage de Rothe est d'autant plus remarquable que,
fondé sur la double conviction de la vérité éternelle du chris-
tianisme et de l'insuffisance des formes que le dogme chré-
tien s'est données jusqu'à présent, il est du nombre des pro-
ductions scientifiques qui caractérisent les tendances réforma-
trices de notre époque. Nous vivons dans un temps où bien des
esprits s'essayent sans relâche a trouver une nouvelle solution
aux grands problèmes qui tourmentent le penseur. Rothe a
hasardé, à sa manière, une nouvelle voie dans le champ im-
mense de la science chrétienne ; il a tenté de concilier les pré-
 tentions rivales du sentiment religieux et de la pensée philo-