page suivante »
84 BIBLIOGRAPHIE. Le grand flot littéraire, qui coule depuis vingt ans, a fertilisé les sujets les plus arides, et déposé des germes de poésie dans tous les genres ; celui qu'a choisi M. Lirou-Bastide nous semhle, plus qu'aucun autre, fait pour tenter l'i- magination ; il fallait, il est vrai, toute l'assurance que donne un talent vrai, pour tenter de soumettre à la mesure du vers les termes techniques de la Flore et de la Faune de nos contrées, mais le succès a complètement justifié cette audacieux essai ; il est impossible de manier, de briser le vers, et de l'assouplir mieux aux exigences du sujet. Riche, harmonieux, de la concision la plus élégante, le vers de M . Lirou-Bastide est toujours simple, rarement am- bitieux, et, chose rare par la poésie qui court, jamais l'expression n'écrase ni ne déborde la pensée. Véritable poète, M . Lirou a su rester vrai dans tontes ses descriptions ; on ne pourrait exiger dans un traité d'histoire naturelle ni plus de netteté ni plus de rectitude qu'on n'en trouve dans sa poésie. IMPBESSIONS ET RÉFLEXIONS, rOÉSIES TAR CHARLES DOMET. Sous ce titre, M. Charles Domet vient de publier un volume de poésies. Ce sont de vagues élans, sans but et sans mission, de languissantes imitations des Psaumes, où l'on ne trouve ni l'enthousiasme, ni la foi, et où l'on sent que l'esprit seul a répondu aux sollicitations de l'écrivain. Quoiqu'il soit pénible d'employer le terme de mode à propos de religion, on est forcé de s'avouer que tout ce grand étalage de christianisme eu prose et en vers dont nous som- mes inondés, n'est autre chose qu'une mode qui a succédé à une autre mode. Ce catholicisme, greffé après coup sur des troncs voltairiens, manquant de convictions, ne peut en inspirer aucune. On sent que, dans ces soi-disant ins- pirations, l'expression mystique est moins une nécessité qu'un procédé de parade. Au reste, le dogme et la poésie vont fort mal ensemble. Si vous suivez le dogme, vous ne faites que versifier des lignes de prose, traduire de la basse latinité en français médiocre, et vous oter toutes les ressources de l'imagina- tion. Si vous ne le suivez pas, vous devenez schismatique, hérétique, ou quel- que chose d'approchant. C'est un amalgame un peu hasardeux que celui de vos rêveries avec les terribles mystères de la foi chrétienne ! Klopostok, malgré son génie, chez un peuple où le sentiment religieux domine, n'a réussi qu'à moitié dans sa Messiade ; et Milton, en voulant faire un poème à la gloire de Dieu, n'a réussi qu'à rendre le Diable intéressant. M. Lamartine, qu'on regarde comme le représentant de la poésie religieuse, est plutôt protestant, ou même panthéiste que catholique, et n'a fait que de la religiosité vague, comme on en a tant fait depuis l'apparition du Génie du Christianisme. A quoi servent tous ces vers prétendus religieux ? ils ne sont d'aucune utilité, puisqu'ils ne contiennent ni conseils, ni préceptes. Les fidèles ont la Bible et l'Imitation de. Jésus-Christ, deux livres écrits par Dieu lui-même, et qui rendent toutes les poésies religieuses parfaitement superflues. Nous croyons donc que la poésie en géïiéral, et M . Domet en particulier, ont une autre mission que celle de paraphraser des psaumes. Plusieurs mor- ceaux de son livre prouvent qu'il peut mieux faire, entre autres : Napoléon, le Rhin allemand, où l'on trouve de fort beaux vers que nous sommes heureux de pouvoir louer en sûreté de conscience. Nous ne terminerons pas sans engager M . Domet à se défendre de quelques admirations trop passionnées qui l'en- traînent malgré lui, sans doute, à quelques imitations trop aveugles.