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I.A POÉSIE EN RÊVE. Jamais sculpteur ancien de l'Attique sereine, Aux jours où le génie arrivait dans le vent, Ne réalisa mieux la forme souveraine Dans un bloc de Paros sur sa base vivant. Jeune et blonde, elle avait dans sa taille divine Cette virginité de suave contour Qu'ici-bas l'œil poursuit en vain, mais que devine Le poète, à seize ans, dans un songe d'amour. Un bruit mélodieux s'échappait de ses voiles. Les Grâces dirigeaient ses chastes mouvements ; Et son front, où les fleurs se mêlaient aux étoiles, Épanchait des parfums et des rayonnements. Moi, l'ame frissonnante à la fois et charmée, J'étais comme les fils des vieux pasteurs hébreux, Quand jadis, vers Horeb, dans la plaine enflammée, Un ange du Seigneur apparaissait entre eux. La blanche vision, sur un siège d'ivoire, S'assit, près du chevet de mon lit indigent, Et sur un escabot couvert de riche moire, Elle mit ses pieds nus et blancs comme l'argent. Alors, toujours en rêve et comme un enfant ivre Qui dort halluciné par la vapeur du vin, Je la vis déployer un magnifique livre Qui rendit en s'ouvrant un murmure divin.