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                    LE CURÉ DE DORNHEIM                      I65

infestaient alors les campagnes, et le comte avait défendu
 de les recevoir, surtout lorsqu'ils arrivaient avec leurs
hardes souvent infectées. Mais la compassion qu'ils inspiT
 raient faisait souvent fermer les yeux, et ils se glissaient
 parfois dans la ville au milieu des bestiaux que les bergers
.y amenaient.
    Ailleurs, pendant l'hiver et malgré la neige, les paysans
 s'enfuyaient dans les montagnes avec leurs femmes, leurs
 enfants et leur bétail. Ils y construisaient des huttes avec
des sapins coupés dans les forêts voisines, et cherchaient à
 apaiser leur faim en mangeant des glands, des graines de
 genièvre. A leur retour les maisons étaient devenues inha-
 bitables. Les soldats, pour se chadfier, en avaient enlevé le
 mobilier, les portes, les fenêtres, les escaliers, les poutres;
 ils avaient détruit les étables, les granges, les fermes, abattu
 les arbres fruitiers. •
   Souvent, faute de chevaux, les propriétaires s'attelaient à
la charrue pour labourer leurs champs. Souvent aussi, quand
les.soldats avaient emporté ou détruit tout le blé, ils man-
quaient de semences; le comte Gunther leur en donnait,
mais il lui en restait peu. La famine régnait alors, surtout
au sud des montagnes de la Thuringe. On y voyait des
hommes disputer aux chiens des débris de chevaux; on y
rencontrait des cadavres, la bouche pleine de gazon que des
affamés avaient essayé de manger. On dut placer des gardes
dans les cimetières pour empêcher de déterrer et de manger
des cadavres. ;
   Des bandes de chiens sans maîtres attaquaient les pas-
sants. Le curé raconte qu'il avait peine à leur échapper
lorsqu'il allait visiter ses paroissiens.
   L'hiver qui suivit l'année 1645 ^ ut particulièrement froid.
Une neige épaisse couvrit la terre du 10 décembre 1645 au