page suivante »
FEDOR ET LOUISE. 481 lui causait ses paroles. Dès le commencement de cet entretien Fedor s'était retourné contre la muraille. 11 ne prononçait pas un mot, et écoutait en silence. Enfin Louise se tut. Elle vit avec désespoir que sou frère ne donnait pas le moindre signe de repentance. Cependant il lui tendit tout à coup la main comme pour demander pardon. Louise alors l'entendit pleurer amère- ment, et s'écrier enfin : — Chère Louise, je n'ai pas encore souf- fert autant que je l'ai mérité pour mes gros péchés. Quoique j'aie brûlé les deux yeux du pinson, le cerf ne m'en a arraché qu'un. Lorsque j'étais blessé et sans secours, tu m'as soigné, et moi, j'ai chassé le pauvre Ami après l'avoir horriblement maltraité. Mais ce qui me désespère c'est que tu crois que je ne me suis pas amé- lioré. Je l'ai bien mérité, car j'étais déjà trop endurci dans le mal. Crois-moi, Louise, avant d'avoir été malade, j'ai souvent pensé avec chagrin au pinson aveugle. Comment ! me disais-je, si la pauvre bête, au lieu d'être dévorée par un chat, s'est envolée elle est destinée à mourir de faim. Plusieurs fois j'ai parcouru la ville pour tâcher de découvrir Ami, et lui faire oublier ma cruauté en le traitant avec douceur. Une fausse honte m'a toujours em- pêché de découvrir mes chagrins cachés. Je crains que le souve- nir de ces deux victimes de ma cruauté ne me poursuive pendant toute ma vie, et ne la remplisse d'amertume. — Puisses-tu, mon Fedor, dit Louise joyeuse, persister dans ces intentions et ne pas les oublier en quittant ton lit de dou- leurs ! — Ah ! soupira Fedor, le cerf a écrit sur mon front un mé- mento, qui me rappellera toujours mon devoir, si j'étais en dan- ger de l'oublier. Unis tes prières aux miennes afin que ton songe ne se réalise pas à mon égard. — Attends un moment, dit Louise, je reviens à l'instant. Lorsqu'elle rentra, elle avait sur une épaule le pinson aveu- gle et sur l'autre l'écureuil. Ami, joyeux, sauta contre le lit et lécha la main qui l'avait si cruellement fustigé. — Tu as ton Ami et ton pinson aveugle, et en outre ce raton qui te fera mille tours malgré sa patte estropiée. Les yeux de Fedor se remplirent de larmes de joie et d'at- 31