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DE GRIMOD DE LA. REYN1ÈRE. 305 c'est à ne pas finir. Lorsque le pauvre directeur a satisfait à tout cela, il envoyé sa recrue au coche, paye sa place, lui donne encore quelques sous pour son voyage, puis retourne au café faire une nouvelle emplette. C'est ainsi que se for- ment toutes les troupes de province de second et de troisième ordre ; aussi il n'est pas étonnant qu'elles manquent d'en- semble et soyent en général si mal composées. Je suis étonné qu'élant à Paris, vous n'ayez pas eu la curiosité d'entrer dans ce café, ou plutôt celle tabagie, qui est à gauche en entrant par la rue des Fossès-Sainl-Germain-des-Prés. C'est vraiment pour un amateur un spectacle à voir et qu'on n'oublie pas lorsqu'on l'a vu ; il dure depuis le commencement du carême jusqu'au mois de juillet.; ainsi, M. de P est encore à temps. Vous ne m'avez pas dit s'il étoit parent des dames de V ; comme il est d'Aix aussi, cela est assez probable. Je crains bien, du reste, qu'il n'ait pas de succès dans son en- treprise ; ce serait une exception du sort. De tous les entre- preneurs de première mise il ne peut en arriver autrement. Un autre lui succédera qui profilera de ses fautes, recueillera presque sans peines et sans risques tous les avantages de son (ravail ; c'est la règle. Si la dame d'Orsonville a, comme vous le dites, du mordant dans le débit et de la gentillesse dans la tournure, c'est quel- que chose pour une soubrette; mais ce n'est pas tout, il s'en faut bien. Si elle est maniérée, comme vous dites, cela suffit pour gâter tous ces avantages; c'est même un des plus grands défauts pour cet emploi, dont je suis bien loin, du reste, de dis- simuler les difficultés. Ellessontd'autanlplus grandesque cha- que rôle de cet emploi porte en quelque sorte un caractère diffé- rent. Tantôt c'est une bonne et grosse servante comme Mar- tine et Nicole, rôles nuancés cependant différemment quoique dans le niéine genre; tantôt c'est une garde-malade effrontée mais spirituelle, comme Lisette dans le Légataire ; tantôt c'est 20