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                        EXPOSITION DE 1854-55.                              159
succession? Quelles études historiques ont continué celles de MM. Guizot
et Augustin Thierry, quels travaux philosophiques ont servi de pendant à
ceux de MM. Cousin et Lamennais, quelle plume a rivalisé d'élégance cl
d'atticisme avec celie de M. Villemain ?
   Les arts plastiques sont encore, à ce point de vue, la branche de l'activité
humaine aujourd'hui la plus favorisée. Là, du moins, les maîtres eux-mêmes
sont restés à la même taille. Us ont vieilli sans laisser s'éteindre sur l'autel
la flamme sacrée. Ils ne refont pas, comme plus d'un écrivain sur le déclin
de l'âge, les œuvres amoindries de leur jeunesse. Ils ne rééditent pas leurs
tableaux. La verte et féconde vieillesse de M. Ingres ne jette pas moins
d'éclat que les jours les plus brillants de son âge mûr, et les peintures du
Luxembourg et du Palais-Bourbon, celles de i'Hôtcl-de-Ville, au dire de
ceux qui les ont vues, ne sont en rien inférieures aux premiers ouvrages de
M. Delacroix.
    Pourquoi faut-il que les continuateurs de ces deux maîtres aient, sauf de
rares exceptions, amoindri à l'envi leurs qualités et exagéré leurs défauts,
si toutefois on peut hardiment se permettre ce dernier mot à propos de
M. Ingres ? Jamais il n'y a eu scission plus profonde entre les deux camps,
entre la foule des admirateurs d'un côté, et les rares adeptes de l'autre.
Si, dans la critique, il y a plus de tolérance, ou, pour mieux dire, plus de
justice, jamais il n'y eut plus d'exclusion dans les actes. Jamais plus que
dans notre malheureuse époque, sous prétexte de ce qu'on nomme la
spécialité, et qu'on devrait plutôt nommer l'impuissance, on ne s'est plus
renfermé dans les limites étroites d'un système.
    On a bien emprunté à M. Delacroix sa couleur harmonieuse et qui donne
aux choses l'apparence de la vie, niais lui seul a gardé le secret de sa
fougue, de cette espèce de fièvre qui fait tressaillir ses personnages sur la
t#iie. On lui a dérobé ses procédés, mais on lui a laissé le mens divinior,
sans lequel les procédés ne sont rien. De son dessin incorrect, de sa tri-
vialité dans la forme, de son exécution négligée, on est venu peu à peu au
mépris absolu de tout sentiment du beau. Les contours n'existent plus sous
la couleur. La peinture n'a plus eu pour fin, comme le dit excellemment
M. Cousin, l'expression de la beauté morale à l'aide de la beauté physique,
 elle n'a plus eu pour objet qu'une juxtà-position de couleurs agencée pour
le plaisir de la vue. On n'a plus cherché à faire jaillir du regard d'un por-
trait les profondeurs de la pensée intime, on n'a songé qu'au rayon de
soleil qui glisse sur le front ou se brise sur la pommette. Et qu'on ne croie
pas que pour être plus préoccupé du côté exclusivement matériel de l'art,
on donne à l'exécution une contexturc plus serrée, ou qu'on s'astreigne à
 une imitation plus rigoureuse de la nature. On pousse très-loin la recherche