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DE GR1M0D DE LA REYN1ÈRE. 103 théisme. Je souhaite me tromper dans ma prédiction, mais je ne le crois pas, et vous en serez réduit à pleurer la perte d'une amie, dont le changement d'opinion rompra nécessairement à son retour tout commerce avec vous. Convenez qu'en s'abandonnant à des so- ciétés perverties et corrompues, Mme A... se trouvera pervertie elle-même. Si vous avez, comme je me plais à le croire et comme elle en est digne, une véritable amitié pour elle, je vous invite à l'avertir qu'elle est au bord d'un affreux précipice, et qu'un pas de plus elle y tombera pour n'en jamais sortir. Son silence ob- stiné sur M... prouve assez que ce dernier est dans les mêmes principes, et qu'elle veut éviter avec lui toute discussion sur ce sujet. Mais il faut la servir et la sauver malgré elle, elle vous en remerciera quelque jour ; mais je vous le répète, il n'y a pas un instant à perdre. Je vous conjure par l'estime bien véritable que j'ai voué à cette dame de prendre ma demande en très grande considération et de ne pas l'ajourner. Le vers de Laharpe que vous me citez est en effet assez beau ; mais je doute qu'avec tout son talent il réussisse à faire goûter Lucain aux gens de goût, naturellement ennemis de l'enflure et du boursoufflage. M. de Laharpe, d'ailleurs, n'est pas heureux en traductions ; vous devez vous rappeler combien celle qu'il fit des douze Césars de Suétone, bien qu'en prose, eut peu de suc- cès. J'en souhaite davantage à celle de Lucain, et quoique je dif- fère en beaucoup de choses, depuis quatre ans surtout, d'opi- nions avec M. de Laharpe, je ne le regarde pas moins comme un très-bon littérateur, un homme de goût et un conservateur des bons principes littéraires. Vous me permettez de vous dire qu'il ne faut pas être connais- seur ni peintre pour sentir le mérite d'un bon tableau, et surtout pour le voir avec plaisir et intérêt; je ne me cite pas pour exemple, parce que j'ai fait pendant les années de ma jeunesse une étude particulière de cet art, pour lequel j'ai conservé un goût et un attachement vifs , fondés peut-être sur quelques connaissances ; mais je mets en fait que l'homme étranger aux premiers éléments de cet art, pour peu qu'il ait des yeux et de la sensibilité, ne peut être indifférent à un tableau