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 98                        LETTRES INÉDITES
   gâtions, et vous m'avez fait si longtemps accorder mes habitudes
   à votre indulgence, que vous ne devez pas être surpris de me la
  voir mettre si souvent à l'épreuve. Je craignais bien que mon
  n° 36 ne vous eût presque rendu aveugle ou dégoûté, du moins
   pour longtemps, de ma correspondance. Dans cette incertitude,
  jugez avec quel plaisir j'ai reçu l'assurance que vous me donnez
  du contraire. Non seulement vous l'avez lue sans peine en moins
  de trois heures, mais rien ne vous en est échappé, et je m'en
  aperçois par la bonté que vous avez de répondre à tout. Je vous
  félicite d'avoir remis cette lecture au jour ; car, quoique d'après
                  il n'y ait rien d'aussi utile que la chandelle, je crois
  que toutes les chandelles du monde ne vous auraient pu faire
  déchiffrer ce cahos d'écriture. La lumière du soleil, plus réelle
  quoique moins vive, fait mieux ressortir l'écriture. Vous regardez
 cette lettre de SU lignes comme le maximum du contenant àc
 mots que peut fournir une lettre de trois pages, d'un papier de 8
  pouces 8 lignes de long sur 7 pouces S lignes de large. Je suis
 aussi de votre avis avec les grossières plumes dont, faute
 d'autres, je suis obligé de me servir ; mais avec des instruments
 tels que je les conçois, il est sûr que j'écrirais beaucoup plus fin,
 et je finirais peut-être par n'être plus lisible qu'au microscope.
 En attendant ces tuyaux capillaires, j'emploie de si mauvaises
 plumes, que je doute que vous puissiez me lire avec autant de
 facilité que votre complaisance veut bien me l'assurer. J'aurais
 grand besoin d'exercer les talents de M. Badiou pour la taille des
plumes, talent qu'il appartenait à Mme la comtesse de Beauhar-
naisde me faire connaître. Je ne reçois pas plus vos compliments
sur le fond que sur la forme. Votre indulgence appelle ma proli-
xité amplification, et vous donnez le nom d'excellentes raisons à
mon bavardage -, j'espère que vous me rendez assez justice pour
 croire que je n'attache pas à ce genre de travail la prétention la
plus légère. Je laisse errer ma plume au gré des pensées que vos
lettres font naître ; c'est vous qui me fournissez la matière, et je
ne fais que broder sur votre canevas. Or, vous savez qu'en broderie
la plus grosse part de mérite appartient au dessinateur ; gardez
donc pour vous tous vos éloges, je n'en veux conserver que Vassu-