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50 LE COMTE DE CHALON. mander. Aussi bien je vois que vous avez compagnie, et je ne ferai qu'un convive de plus. — Tu as raison, dit le gardien en souriant, entre chez moi et tu nous diras des nouvelles. Un feu ardent brillait dans la cheminée ; un morceau de venai- son cuisait enfilé à une broche de fer ; quelques voisins assis devant le feu sur des escabeaux, suivaient les progrès de la cuisson ; une jeune femme allait et venait, se livrant aux occu- pations du ménage. — J'amène un compagnon, dit le gardien ; on trouvera sans peine dans le souper de quoi nourrir un convive de plus. — Qu'il soit le bienvenu, dit la femme. — Et il chantera une ballade, ajoutèrent les voisins. Le ménestrel secoua la neige qui le couvrait, et joyeusement il vint prendre place au coin du feu. Bientôt chacun tirant son coutelas, détacha un morceau de viande qu'il piqua de la pointe de son instrument. Un morceau de pain tenait lieu d'assielte ; la flamme du foyer réjouissait les convives. Le broc, qui circulait de mains en mains, leur versait la gai lé. Rien ne manquait à ce repas. —Maintenant une ballade, dit le gardien, ou une histoire bien effrayante qui nous empêche de dormir. — Volontiers , dit le ménestrel, et, voyant que les convives l'écoutaient, il commença : IL « Où va le comte de Châlon ? Son cheval hennit d'impatience, et les écuyers ont peine à le retenir. Les soudarts, qui remplis- saient hier les cabarets de la ville, se dirigent en toute hâte vers le lieu du rendez-vous. A la tête de cette armée vaillante et nombreuse, quel ennemi Guillaume va-t-il combattre ? En quel endroit va-t-il cueillir une moisson de lauriers ? La moisson que le comte de Châlon va cueillir, il la trouvera dans les chaumières incendiées, dans les campagnes dévastées ; et les prisonniers qu'il ramènera seront des femmes, des enfants.