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                           I'ÉLOPONÈSE.                         467
habitation que nous ayons rencontrée depuis Mycènes. Peu après,
nous atteignîmes un plateau élevé dont le sol crayeux fatiguait la
vue par sa blancheur, et qui était tout parsemé de fleurs aroma-
tiques dont la chaleur redoublait l'enivrant parfum. De là, je
jouis d'un imposant panorama. Des montagnes sans nombre
avaient tout-à-coup surgi à mes yeux, apparaissant les unes à la
moitié, les autres au quart de leur hauteur à cause de leur dis-
tance et de l'élévation des premiers plans. C'étaient derrière moi
celles de l'Argolide, de l'Arcadie, de la Laconie que j'avais tra-
versées les jours précédents ; mon guide me les nommait les unes
après les autres, car je ne les aurais pas reconnues en les re-
 voyant ainsi transformées par l'éloignement et groupées ensem-
ble d'une façon inattendue. Elles étaient sombres et noires et les
vallées se dessinaient sur leurs flancs par une ombre plus épaisse,
comme des plis sur un manteau ; elles formaient une scène gi-
gantesque et animée, et paraissaient baignées d'une atmosphère
 de vie. Cinq ou six d'entr'elles étaient réunies ensemble et, avec
leurs sommets bizarres et penchés les uns vers les autres , sem-
blaient des colosses tenant un conciliabule aérien ; çà et là, une
 cime s'élevait au dessus de toutes les autres, sérieuse, calme,
 solitaire et paraissant considérer avec dédain les tourments et
l'agitation du monde qu'elle dominait. Plus loin enfin, trois ou
quatre , échelonnées sur une ligne en pente rapide, se précipi-
 taient en avant comme si elles se fussent disputées à la course.
 Tout près de moi, des rochers aigus s'élevaient assez haut pour
 me dérober la vue de Corynthe et de sa citadelle. Derrière eux,
 l'Hélicon et le Parnasse planaient à l'horizon. Le mont Parnasse
 perdait dans un ciel doré son front blanc et majestueux comme
 le front d'un vieillard et sa large base se noyait dans les vapeurs
 azurées de la mer. Mes regards ne pouvaient s'en détacher et
j'éprouvais une émotion profonde à contempler de loin cet antique
 séjour des Muses. Je l'étudiais avec avidité, je m'attachais à tous
 ses détails que la clarté de l'atmosphère me laissait apercevoir
 et je cherchais à saisir l'expression de ces sublimes formes , car
 je ne m'attendais pas encore à parcourir ses sentiers.