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NOTICE SUR SAlNT-RAMBEUT-IiE-JOUX. 455
de Pausanias la métamorphose de Suerme et de Nezebeau, rivaux
séparés par la nymphe Albarine, lorsqu'un géologue nous donna,
sans recourir aux Grecs, le dernier mot de cette légende mysté -
rieuse. Ces deux rochers, nous dit-il, sont les deux moitiés
d'une seule et même montagne, dépôt formé, au sein des mers,
de débris minéraux et organiques, puis feudue, plissée et soule-
vée par l'une de ces commotions violentes qui agitèrent notre pla-
nète dans sa jeunesse. Quant à l'Albarine, produit de quelques
sources partielles provenant d'infiltrations supérieures,elle n'obéit
qu'aux lois de la pesanteur en se jetant à travers la déchirure
du sol pour gagner ensuite le Rhône et la Méditerranée. Ovide !
Hésiode ! qu'en diriez-vous? Malgré l'arrêt de la géologie , l'en-
semble gigantesque de nos monts vus à mi-côte nous rappelle
toujours l'épopée primitive , et si nos prairies inférieures sem-
blent faites pour les bergers de Théocrite, la noblesse antique
de nos plateaux les rend dignes de porter les héros d'Homère.
Entre les mille phénomènes que le soleil crée à chaque instant
sur la surface du globe, nous ne connaissons rien d'aussi curieux
à observer, rien d'aussi émouvant à contempler que ces jeux
grandioses de lumière dont les montagnes en général sont le
théâtre, et que les nôtres font valoir d'une manière toute particu-
lière. Si c'est une belle soirée d'été qu'on a choisie pour monter
au château de Saint-Rambert, on sera d'abord frappé de la
netteté avec laquelle se détachent les détails lointains. L'extrême
limpidité de l'air des Alpes vous apporte, pour ainsi dire, sous
la main tel objet dont vous êtes séparé par de grandes distan-
ces. On remarquera ensuite la singulière répartition du sombre
et du clair dans le paysage. Toute la chaîne qui forme la vallée
au couchant est plongée dans une obscurité complète ; un petit
nombre de rayons, seulement, s'égare sur quelques angles de
rochers en saillie , et les nappes lumineuses qui vont frapper le
côté de l'est bordent en passant comme d'une frange d'or les crêtes
de Mont-de-l'Ange, la pyramide tronquée de Saut-à -1'Ours et les
hautes arêtes qui de là viennent aboutir à Mont-Joux. Du fond de
la plaine, la teinte mystérieuse ne tarde pas à s'élever jusqu'au
spectateur. Les roches chauves de Grapinet, ce mur colossal nui